[Undertaker. 1, Le mangeur d'or | Xavier Dorison ; Ralph Meyer]
A la tête de sa petite entreprise de pompes funèbres ambulantes, Jonas Crow arpente l’Ouest américain en proposant ses services mais les rudes régions arides et coriaces qu’il parcourt laissent plutôt les os blanchir au soleil. Avec son nom de charognard [crow = corbeau], Jonas ne peut que s’associer à un urubu taciturne qu’il baptise Jed.
Appelé par les affaires à Anoki City, Crow fait la connaissance du richissime Joe Cusco propriétaire des mines d’or de la région et exploiteur sans scrupule de la population locale. Cusco marchande son enterrement d’autant qu’il a programmé sa mort et diligenté sa gouvernante, Rose Prairie d’exécuter ses dernières volontés. Guindée, la belle jeune femme semble aussi intègre qu’elle est maniaque. Son patron lui dit d’ailleurs qu’elle est « aussi sèche qu’un coup de trique et plus bornée qu’un âne ». Cusco avale un pactole en pépites d’or. Son cadavre devra être enterré intact dans la mine d’or qui lui a fourni son premier filon sinon un otage anonyme sera torturé et tué par un Indien rémunéré en conséquence. Rose et Jonas ne disposent que de trois jours pour arriver à destination mais Cusco n’a pas pris en compte les frustrations et les velléités des mineurs qui ne veulent pas être dépossédés de leur gagne-pain. La grogne fait place à la colère et les fusils remplacent les pioches.
Encensé à juste titre par une critique unanime, le premier tome d’une série prometteuse est réjouissant du début à la fin. L’histoire crédible est bien construite. Les personnages apparaissent dans leur jus et se dévoilent à mesure, creusant leurs zones d’ombre, s’exposant dans leur chair et leurs tripes. La dramaturgie orchestre une lente, sourde et brutale montée en puissance de la violence avec un suspense allant crescendo. La vivacité des dialogues et l’incongruité des situations pourraient faire songer à une parodie de western mais le récit déroule implacablement une tragédie dans laquelle s’agitent les personnages principaux et une multitude de seconds couteaux bien campés et convaincants. Ralph Meyer aux pinceaux maîtrise son sujet : graphisme délié et lisible, belle composition des planches, dynamisme des cadrages, visages expressifs, décors bien rendus et couleurs finement réalisées créant des ambiances réussies. Undertaker ne pâtit pas d’une comparaison avec le Blueberry de Giraud et Charlier.
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