[Petites filles - L'apprentissage de la féminité | Catherine Monnot]
La thèse de cet essai est que l'intériorisation de l'identité de genre, notamment féminin, s'opère désormais et est presque déjà entièrement réalisée dans la préadolescence, entre les âges de 9 et 11 ans. De surcroît, si l'individualité de l'enfant est aujourd'hui largement reconnue au sein de la famille et son autonomie précoce valorisée d'une part, et d'autre part s'il est notoire que ce groupe d'âge constitue une cible de marketing bien connue et identifiée (cf. "génération Lolita" pour l'industrie culturelle et des loisirs), il n'en demeure pas moins que l'autodétermination et l'esprit critique - contestataire aussi - typiques de l'adolescence ne se sont pas encore développés, par conséquent les "petites filles" s'avèrent particulièrement vulnérables par rapport à cet "apprentissage" de "dispositions" de genre, largement inconscientes et édictées par un pouvoir adulte, majoritairement masculin, et loin d'être désintéressé...
Dans cette étude menée sur un faible échantillon de préadolescentes mais sur une analyse des médias et des pratiques culturelles assez poussée, une place prépondérante est occupée par la musique pop, en particulier par les starlettes et
girls' bands françaises et anglo-saxonnes, ainsi que par les personnages des séries télévisées et téléréalités (
Star Academy,
A la recherche de la nouvelle star,
Loft Story, etc.) à peine aînés des fillettes objet de la recherche. Leur influence est multiforme : dans l'identification par l'aspect, dans les paroles des chansons, dans les informations sur leur vie privée publiées dans les magazines pour jeunes filles. Interviennent aussi la télévision, les pratiques informatiques : blogs, Facebook, jeu en ligne
Les Sims, mais aussi les jouets et jeux, le karaoké et la danse, la déco de sa chambre, la cour de la récré, l'apprentissage du maquillage, le port du premier top supra-ombilical et du premier string, les pratiques sportives et musicales éventuelles, le journal intime...
Rien n'est vraiment surprenant si ce n'est le désarroi dû au constat de l'ampleur des "dégâts" de cette socialisation par stéréotypes ; une certaine horreur s'est longtemps sclérosée sur "l'érotisation précoce des petites filles", idée globalement véridique mais trop facile et par tout à fait exacte, servant pour mieux cacher tout ce qui est véhiculé en termes d'acceptation des inégalités de genre, de subornation au consumérisme, de sujétion à une sexualité de vidéoclip et de papier glacé qui fourgue son archaïsme et ses contradictions sous couvert de transgression !
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