"Parler seul"... c'est ce que font, à tour de rôle, les trois narrateurs de ce roman, qui prennent la parole pour de longs monologues qui presque jamais ne s'entrecroisent.
Mario -le père-, est malade. Gravement. Malade au point qu'il va mourir bientôt.
Lito, son fils de dix ans, ignore tout de cette tragique et prochaine issue.
Elena -la mère- aime Mario, sincèrement, tendrement. Mais son corps, tel que la maladie l'a laidement transformé, la dégoûte. Sa liaison avec le médecin de son mari, faite de sexe violent et bestial, est pour elle à la fois culpabilisante et salvatrice.
Nous entamons le récit en suivant le fil des pensées de Lito. Il est heureux : Mario l'a convié à un périple sur les routes argentines, à bord de Pedro, le camion "mascotte" de l'entreprise de son oncle.
Sa naïveté enfantine lui permet d'occulter le pressentiment confus qui s'empare de lui lorsqu'il constate que son papa, lorsqu'il fait la course, est bien vite fatigué, ou qu'il s'enferme parfois un peu trop longtemps dans les toilettes.
Riche de ses ressources imaginatives, de sa faculté d'apprécier sans arrière-pensées ces moments de bonheur complice, il savoure le voyage, faisant sourire le lecteur en évoquant ses croyances fantaisistes.
Elena, elle, écrit. Son fils et son mari partis, elle se ronge d'angoisse. Chaque indice d'un affaiblissement de Mario lorsqu'elle les a, brièvement, au téléphone, nourrit de sombres pensées qui la torturent des heures durant. En plus de la relation qu'elle entretient avec le médecin de Mario, qui lui permet de sentir son corps vivant et désirable, elle lit. Relevant dans les textes qu'elle parcourt les passages qui semblent lui parler d'elle-même, et de la situation qu'elle est en train de vivre. Constatant la rareté avec laquelle la littérature s'aventure à traiter de la maladie...
Mario, quant à lui, parle dans un dictaphone, à l'attention de Lito. Il dit sa peine, à l'idée de ne pas voir son fils devenir un homme, à l'idée de tout ce qu'il ne feront jamais ensemble. Il évoque cette solitude dans laquelle l'enferme sa maladie, qui dresse entre lui et les autres un mur d'incompréhension. Il lui confie ses pensées et ses espoirs, tentant ainsi de construire, pour la lui léguer, une image de père.
"Parler seul" est un roman touchant et d'une grande justesse, qui abordent ces thèmes difficiles que sont la maladie et la mort sans sensiblerie.
Ses personnages, lucides quant à leurs faiblesses et leurs limites, s'expriment sans détour sur la complexité de leurs émotions, la sincérité -y compris avec eux-mêmes- étant leur principale préoccupation. Les passages "écrits" par Elena sont particulièrement beaux, empreints d'une poésie douloureuse.
Je recommande, évidemment !
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