Poète, Jean-Pierre Lemaire est aux aguets d’un quotidien qui se dévêtit à travers des sensations déviées de leur objet, des perceptions détournées ouvrant une fissure dans l’opacité du monde par où passe la lumière et l’intelligence du regard. Ainsi les images transcrites dans les vers libres du poète paraissent simples à première vue mais se révèlent bouleversantes quand elles frappent le cœur comme dans une chambre d’échos. Le premier poème introduisant le recueil dit avec justesse, simplicité et profondeur le passage des hommes sur Terre, ici le père défunt de l’auteur et l’héritage récolté, la transmission d’une vérité qu’il faudra à son tour léguer : « des mots qui éclairent le temps,/des mots que nos enfants puissent interroger… ». En passant, le poète donne en trois vers l’essence de l’impressionnisme : la transparence et le reflet. La première partie, « Simple mortel » est naturellement dédiée à son père. Le lecteur y glane des fragments de vie éteints que la mémoire attise encore un peu, le passage presque obligé à l’hôpital, la disparition flottant encore au-dessus de lieux hantés avec bienveillance et le travail cicatriciel de la mémoire redessinant les souvenirs et l’acceptation déchirante de la rupture : « nous nous séparons comme deux rameaux/ sous le soleil commun des vivants et des morts ». Les autres sections du recueil : « Noé » ; « Chants du purgatoire » ; « La retenue » et « Les bras ouverts » contiennent des poèmes puissants, d’inspiration chrétienne, qu’un non-croyant peut ressentir et accepter car la vérité contenue explose en silence à chaque nouvelle lecture. Le contenu des chapitres se répond et poursuit l’interrogation initiale, celle d’être présent au monde, d’ouvrir son regard afin que « l’infini » trouve « un port » dans notre « cœur ».
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