[Mémento du républicain | André Bellon, Inès Fauconnier, Jérémy Mercier, Henri Pena-Ruiz]
Mémento du républicain / André Bellon, Inès Fauconnier, Jérémy Mercier, Henri Pena-Ruiz. – Editions Mille et une nuits, département de la Librairie Arthème Fayard, mars 2006, 111 p. – ISBN 2-84205-943-3. – Coll. Les petits libres, n° 62
Quand j'ai lu le livre de Stéphane Beaud, "Pays de malheur", sur lequel j'ai rédigé une note de lecture, j'ai brusquement pris conscience que ce n'étaient pas seulement des populations d'origine étrangère qui pouvaient éprouver un sentiment de non-affiliation à l'égard de nos institutions, mais que c'était déjà le cas, de longue date, de certaines fractions, souvent les plus pauvres, de la population autochtone. J'avais été en particulier frappé par un détail, le fait que Younès Amrani disait voter souvent pour Lutte ouvrière au premier tour, blanc au second, comme cela m'est arrivé aussi (digression : je n'ai plus jamais voté Lutte ouvrière après le jour où l'un de ses militants, en toute naïveté et en toute bonne foi, m'a expliqué que « bien sûr », aussitôt que la révolution serait faite, il faudrait rétablir la peine de mort pour « motiver » les ouvriers). Lorsque j'ai trouvé ce "Mémento du républicain" sur une brocante, je me suis donc dit que sa lecture serait une bonne occasion pour moi de faire le point sur mes rapports avec nos institutions politiques. Mais comme je le signalais déjà dans ma note sur "La laïcité", je n'ai pas rédigé immédiatement ma note de lecture, si bien que d'autres lectures m'ont influencé depuis.
L'introduction, dont on ne sait auquel des quatre auteurs elle doit être attribuée, affirme que « L'avenir de la République se trouve une nouvelle fois au cœur de la crise politique et sociale que traverse notre pays. Ses principes sont attaqués par ses ennemis et caricaturés par nombre de ses amis. Certes, elle est aussi invoquée par des défenseurs sincères, mais souvent de façon plus incantatoire qu'efficace. » Elle se termine en annonçant les trois parties entre lesquelles vont se répartir les différents chapitres : I Réaffirmer les principes, II Résister aux attaques, III Répondre à la crise.
I Réaffirmer les principes
Dans le chapitre "Les divers discours républicains", André Bellon, ancien président de la Commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, voit l'essence de la République dans la dialectique entre deux principes : le souci de la construction d'un corps social solidaire, et celui de la liberté individuelle, spécialement sur le plan économique. Il considère que la question sociale a été et reste l'un des points de divergence majeurs entre les écoles de pensée républicaines, et que, pour des républicains de gauche, une République conséquente ne peut qu'être sociale. Il note aussi des nuances très fortes sur la question de l'Etat, des républicains les plus décentralisateurs aux républicains glorifiant un Etat devenu un objectif en soi.
Dans le chapitre "Les principes fondateurs de la République", écrit par Henri Pena-Ruiz, docteur en philosophie, maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris, il m'a été bien difficile, malgré le titre, de repérer une caractérisation précise de principes fondateurs. Peut-être l'affirmation que la République existe dans la mesure où des hommes se donnent des lois conformes au droit de tous et de chacun, ainsi que ce voeu : ni Etat minimal, ni Etat maximal.
Le chapitre "La laïcité comme garantie et cadre du vivre-ensemble" est du même auteur, Henri Pena-Ruiz. Pour lui, « Le plan où se définit la laïcité ne se situe […] pas au même niveau que celui des options spirituelles particulières. De même rang que les droits de l'homme, il peut d'ailleurs s'accorder avec chacune d'entre elles tant qu'elles se situent dans le registre d'une démarche purement spirituelle, affranchie de toute tentation cléricale. Dans le cas contraire, la spiritualité invoquée n'est que le paravent d'une volonté d'emprise. »
Le chapitre "La République comme relation entre l'individu et le groupe", lui aussi de Pena-Ruiz, expose les concepts de singularité, propre à l'individu, de particularisme, propre à un groupement d'individu, et d'universalité, relevant de ce qui est commun à tous les hommes. Il développe l'idée que l'identité de l'individu peut se redéfinir jusqu'à la fin de ses jours, qu'elle n'est pas non plus réglée par l'appartenance à une communauté qui réduirait l'individu à un « exemplaire » sans singularité, à un « membre » dépourvu d'autonomie. Il affirme que le libéralisme politique situe à juste titre les droits au niveau du seul individu, mais critique le libéralisme économique qui cherche à se prévaloir de tels droits pour refuser toute politique de redistribution et de services publics.
II Résister aux attaques
Le chapitre "La République n'est-elle qu'un mythe ?" est écrit par Jérémy Mercier, étudiant en philosophie à l'université Paris-X Nanterre. Il critique un certain nombre de penseurs « postmodernes » comme Jean-François Lyotard, Michael Hardt, Antonio Negri, Michel Foucault, Alain Touraine, Michel Maffesoli. Pour l'auteur, « Ils critiquent dans l'Histoire de la République des choses qui révèlent en réalité une absence de République. Au nom de ce qui n'est pas elle, ils la qualifient de mythe trompeur. Les principes républicains seraient ainsi responsables des discriminations ou de la crise économique et sociale. Pourquoi pas de la canicule et de la grippe aviaire ? »
Le chapitre "La République face à ses caricatures", du même Jérémy Mercier, s'ouvre sur une évocation du programme du Conseil national de la Résistance et dénonce la mode qui s'est développée, depuis quelques années, de rendre les principes républicains responsables de tous les drames des XIXe et XXe siècles. On ne saurait abandonner la République comme référence simplement parce qu'elle est difficile à réaliser, affirme-t-il.
Le chapitre "La réalité sociale invalide-t-elle le modèle républicain ?" est écrit par Inès Fauconnier, étudiante à l'Institut d'études politiques de Bordeaux, présidente de l'association "La République en faces". Elle évoque l'hostilité ou, à minima, l'incompréhension du mouvement ouvrier vis-à-vis de la République aux XIXe et XXe siècles, le fait que la recrudescence de la violence dans les banlieues puisse être considérée comme un échec du modèle républicain, alors qu'elle témoignerait plutôt de sa non-application. Elle affirme que la transformation du monde justifie, plus que jamais, le discours républicain et surtout sa mise en œuvre.
III Répondre à la crise
Le chapitre "Face à la mondialisation : la République" a pour auteur André Bellon qui dénonce dans la mondialisation et dans la construction européenne (ou est-ce pour lui la même chose?) une disqualification de l'Etat-Nation qui viserait à disqualifier le peuple et le principe politique qui exprime sa volonté : la démocratie. Aussi estime-t-il que la réaffirmation des principes républicains est un combat contre les forces d'oppression, mais aussi contre cette idée insidieuse qui nous conduit à accepter la fatalité des contraintes de la mondialisation, de la soumission à un construction européenne censée représenter, par nature, la paix et le progrès.
Dans le chapitre "La République, une nécessité pour la démocratie", Inès Fauconnier renvoie à la démocratie la liberté des individus, le maintien et la valorisation des diversités, et à la République l'unité, la recherche de l'intérêt commun. Selon elle, « La démocratie est un commencement dont la République est l'aboutissement toujours inachevé ». Elle affirme que « Le décalage que l'on observe aujourd'hui entre les intérêts des représentants (les élus et les partis politiques) et les citoyens est la preuve même de la remise en cause des principes républicains. » et que « L'idée de République doit forcer les partis et les élus à faire valoir l'intérêt général des citoyens et donc de la nation grâce à un Etat visant le bien commun. »
Une très brève conclusion, dont on ne sait qui l'a écrite, affirme que devant le mépris des citoyens que manifeste la classe dirigeante, les principes républicains doivent fournir un cadre au débat démocratique, aux affrontements sociaux, et non pas les faire disparaître.
Commentaire
L'écriture des divers auteurs est assez simple et fluide, mais il m'a fallu relire plusieurs fois chaque paragraphe pour pouvoir repérer des éléments susceptibles de correspondre à un possible canevas argumentatif. Les quatre auteurs me semblent relever d'une des catégories critiquées dans l'introduction, celle des défenseurs sincères qui invoquent la République de façon plus incantatoire qu'efficace. C'est bien hardi de ma part d'en juger ainsi, mais malgré quelques remarques qui m'ont paru intéressantes, je n'ai trouvé dans ces pages qu'une pensée politique assez pauvre, peu susceptible de me faire avancer beaucoup dans mes réflexions personnelles.
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