Le narrateur, enfant de personne, raconte sa vie dans le Naples d’après-guerre, son émancipation par l’école et l’attention du concierge de l’immeuble, don Gaetano, orphelin lui aussi. En allant récupérer son ballon, l’enfant découvre une cache qui a aussi servi d’abri à un Juif pendant l’été 1943. L’enfant y trouvera des livres qu’il commence à dévorer : « C’est là-dessous que m’est venu le goût de la lecture ». Don Gaetano raconte à l’enfant l’histoire du Juif enterré qui compte chaque minute avec la peur d’être dénoncé à tout moment. Le concierge est un homme bon et généreux, particulier aussi puisqu’il peut entendre les pensées des autres : « les pensées sont comme des éternuements, elles s’échappent à l’improviste et moi je les entends ». Une grande complicité unit le concierge à l’enfant. Homme à tout faire, don Gaetano rend de multiples services à la communauté alentour : « La panne disparaissait sous ses doigts, c’était beau à voir ». L’enfant devenu adolescent commence à seconder le concierge dans ses multiples tâches, rendant visite à la veuve du dessus qui a pour prétexte des problèmes de tuyauterie à régler. Le jeune homme est initié à la sexualité en toute discrétion. Pourtant, il n’a jamais oublié l’apparition à la fenêtre du troisième étage d’une jeune fille disparue depuis longtemps et qui continue à le hanter. Dix ans passés, elle finit par resurgir, cherchant à se loger dans le quartier et s’adressant à don Gaetano pour la circonstance. Elle s’appelle Anna et l’enfant qu’elle a croisé jadis à travers la vitre de son appartement se trouve dans la loge du concierge. Elle est revenue afin de lui faire connaître le jour avant le bonheur : « Les désirs des enfants donnent des ordres à l’avenir » mais Anna est folle : « Tu veux mourir pour Anna la folle ? ». De plus, elle est fiancée à un mafieux de la Camorra qui est pour l’instant en prison mais dont la libération imminente est une menace pour le jeune homme auquel Anna s’est donnée corps et âme.
L’écrivain napolitain Erri De Luca plonge dans l’histoire de sa ville natale avec le Vésuve en toile de fond à qui il convient de rendre visite au moins une fois dans sa vie. Si la ville et ses habitants sont omniprésents, le nerf du récit est bien l’éveil d’un jeune orphelin à l’amitié, à la culture, à la sexualité dont le parcours émancipateur se poursuivra dans l’exil. Erri De Lucca touche à coup sûr sa cible lorsqu’il mêle le réalisme trivial à la fable et quand l’observation traversée d’une flèche poétique pointe vers la frontière floue où les sentiments s’emmêlent, douleur, crainte, colère, douceur, compassion, amour. Le geste ou le comportement qui s’en dégagent sont neufs, précis, efficaces ainsi de l’usage du couteau lors d’un combat improvisé. Les chemins pris par les personnages sont nets et sans retour en arrière. Qui n’a pas rêvé de croiser dans sa vie don Gaetano, double d’Erri De Luca, présence bienveillante et guide infaillible dont la finesse psychologique permet de percer les abcès et d’anticiper les coups, semblant toujours disposer d’une longueur d’avance sur le destin des hommes ?
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