[Finis terrae : imaginaires et imaginations cartographiques | Gilles A. Tiberghien]
Fruit d’une longue maturation née parallèlement à l’enseignement en esthétique à l’université Paris I, le livre du philosophe Gilles A. Tiberghien Finis terrae concentre une réflexion personnelle et inspirée autour de l’imaginaire et de la cartographie. Sont convoqués Kant et Sartre pour le plus grand désarroi du lecteur néophyte que le jargon philosophique désoriente et accable. Pourtant, la pensée est originale et féconde. L’auteur s’est intéressé de très près au Land Art, le mouvement artistique né aux Etats-Unis dans les années 70. Il a ainsi pu étudier les relations entre une création artistique et un site naturel dans lequel elle s’insère. Il a rédigé sur ce sujet plusieurs articles et monographies convaincants. C’est naturellement et logiquement que Gilles A. Tiberghien poursuit sa méditation autour de la carte topographique, support essentiel des artistes du Land Art dont notamment Robert Smithson. L’auteur nourrit depuis son enfance un grand intérêt pour les cartes et les atlas. La conception d’une carte n’est possible qu’en imaginant le monde quand sa transcription cartographique le donne à inventer. L’imaginaire a constamment partie prenante avec la carte et l’« impensé cartographique » se lit dans la représentation ethnocentriste, soit lorsque le nord du globe terrestre domine le sud ou quand les cartes islamiques se recentraient sur La Mecque ou celles du Moyen Âge sur Jérusalem. La représentation cartographique du paysage ne peut pas être que scientifique et la réalité ne saurait être restituée avec exactitude tant le poids culturel, social ou politique modifie la donne et la perspective. Toute société construit son « ordre du monde » selon des principes qui lui agréent.
Le travail conceptuel de Gilles A. Tiberghien est remarquable tant dans la synthèse que dans les mises en perspective des concepts cartographiques. Le cœur de l’ouvrage se situe probablement dans la troisième partie intitulée « Eléments constructifs » que ce soit le cadre constructif, les lignes de mesure et d’orientation, d’intensité et de rythmes, les projections et l’échelle. Les nombreux renvois en bas de page et les multiples auteurs cités étayent l’essai. Le lecteur intéressé par le sujet aura beaucoup à glaner dans un livre dense qui ne s’épuise pas après une seule lecture.
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