Dans sa cité du 9-3 pourrie par la dope et la violence, Tony partage son temps entre le garage de son oncle et la salle de boxe. Rapidement, le novice s’échine, s’entraîne et s’aguerrit au noble art. Son premier combat professionnel lui permet de montrer sa maestria : « […] je déploie mes bras qui partent, relâchés pour gagner en vitesse, puis se durcissent méchamment à l’impact ». La foule venue assister au combat ne s’y trompe pas. Le jeune coq est un as. Après le match, Miguel, un dangereux caïd, dira à Tony : « Tu ne tapes pas plus fort que l’autre parce que tu as compris que ça ne servait à rien. Toi, mon cousin, t’es un vif. Alors t’attends que l’orage passe et tu administres la sentence. Ce qui est fort, c’est d’avoir compris ça à ton âge alors que tu dois vivre entouré d’abrutis ». Dès cet instant, monté vers la lumière, Tony est irrésistiblement entraîné vers les ténèbres. Sa mère se fait rouer de coups pour de sombres histoires de drogues, de tapin et de dettes alors Tony finit par demander l’aide de Miguel afin de mettre hors d’état de nuire le malfrat responsable. La dette contractée par Tony est à la hauteur du service rendu. Sollicité ensuite par Miguel, Tony va exécuter des basses œuvres qui le révulsent. Néanmoins, il devrait pouvoir s’en tirer jusqu’à ce que son oncle soit retrouvé mort dans son garage, le crâne fracassé. Tony apprend que Miguel est derrière cet assassinat. Le règlement de compte va être pathétique.
Justement encensé dans la presse spécialisée et les blogs consacrés, prix SNCF du polar en juin 2013, le second roman d’un jeune auteur doué (Jérémie Guez est né en 1988 et « Balancé dans les cordes », publié en 2012 a été édité alors que l’écrivain était âgé de 24 ans) s’insère dans une trilogie ayant pour cadre la banlieue parisienne et le milieu des truands. Sur une trame narrative simple et convenue, l’auteur sait moduler une partition originale avec toute une gamme de phrases courtes, incisives, crochetant autant l’attention du lecteur que les visages des protagonistes. Le récit est mené uniquement du point de vue de Tony. Les dialogues se fondent avec une grande maîtrise dans le déroulement implacable de l’histoire. Jérémie Guez joue volontiers sur l’ellipse et le flash-back, apportant toujours davantage de mordant à mesure que les personnages se creusent, s’étoffent et se bonifient, tous criants de vérité, empêtrés dans l’impasse de leurs vies. A la fin, le lecteur ne sait plus à quel saint se vouer et il redoute de tourner les ultimes pages.
----
[Recherchez la page de l'auteur de ce livre sur
Wikipedia]