L'identité malheureuse / Finkielkraut Alain, ouvrage publié sous la direction de François Azouvi ; 229 p. ; Paris : Editions Stock, 2013
Je n'avais lu aucun des livres d'Alain Finkielkraut avant celui-ci. Et j'en avais seulement parcouru les premières pages lorsqu'Alain Finkielkraut est apparu dans une émission de télévision de Frédéric Taddeï, émission au cours de laquelle un scénariste de cinéma et de télévision, Abdel Raouf Dafri, et le directeur d'une agence de communication, Pascal Blanchard, m'ont donné le sentiment de faire assaut de mépris et d'hostilité envers lui au motif, selon l'un d'eux, que la présence de négros et de bicots en France le dérangerait. Si, au lieu d'argumenter, on disqualifie son interlocuteur, il n'y a pas d'échange intellectuel, pas de débat d'idées. Il est vrai que l'échange intellectuel, le débat d'idées ne sont pas toujours possibles avec tout le monde mais il ne me semble pas qu'Alain Finkielkraut corresponde à ce dernier cas de figure. D'ailleurs, si la lecture de L'identité malheureuse m'a laissé sur ma faim,je n'y ai rien trouvé qui me scandalise.
Je n'ai pas pu déceler dans L'identité malheureuse une trame démonstrative claire, mais peut-être est-ce la marque d'une pensée plus subtile que ne l'est la mienne. Si je l'ai bien compris, Alain Finkielkraut voit l'Europe d'aujourd'hui comme un continent d'immigation malgré lui, malheureusement sujet à une crise d'intégration (p. 21), à une crise du vivre-ensemble (p. 213). Ce n'est pas lui qu'il faut lire si l'on veut découvrir comment le problème est vécu par les jeunes de quartiers populaires d'ascendance non-européenne plus ou moins lointaine, mais Stéphane Beaud (80% au bac... et après ? ou Pays de malheur !). Alain Finkielkraut est plus apte à nous faire connaître le ressenti des lettrés, enseignants ou autres intellectuels. Lui-même m'est apparu comme nostalgique d'une éducation fondée sur les humanités classiques gréco-latines et la philosophie (en fait, il est agrégé de lettres modernes).
Citant des écrits de Lévi-Strauss, il demande que l'on ne qualifie pas de raciste l'attachement à cette culture, à ces valeurs. « L'immigration qui contribue et qui contribuera toujours davantage au peuplement du Vieux Monde renvoie les nations européennes et l'Europe elle-même à leur identité […] il nous faut combattre la tentation ethnocentrique de persécuter les différences et de nous ériger en modèle idéal sans pour autant succomber à la tentation pénitentielle de nous déprendre de nous-mêmes pour expier nos fautes. La bonne conscience nous est interdite mais il y a des limites à la mauvaise conscience » écrit-il (p. 134).
Il note aussi combien les récentes évolutions techniques, combien les nouvelles attitudes des adultes envers les enfants, entrent en conflit elles aussi avec cette culture, ces valeurs. Toutefois sa conclusion me laisse sur ma faim, car je ne discerne pas ce qu'il propose pour résoudre la crise du vivre-ensemble qu'il diagnostique. Il s'agit, semble-t-il, de « l'affirmation […] de l'identité nationale » (p. 215). Je crois que sa phrase « La France cependant demeurait une patrie littéraire » (p. 150) correspond à ce qu'il entend par identité nationale. Faut-il y ajouter ce qu'il nomme la « galanterie » française, par quoi il explique que le port du voile à l'école soit rejeté en France (y compris par lui) alors qu'il ne l'est pas dans les pays comparables ? Tout cela est loin d'être assez explicite à mon goût, sans compter que je n'en vois pas la portée pratique.
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