J'ai été positivement surpris par cet essai, dont l'incipit (en 4e de couverture) et le première séquence tout entière m'avaient fait redouter le ton pamphlétaire. Je trouve que le dosage entre les pages autobiographiques et la réflexion est réussi. Dans l'argumentation, le ton sait se faire posé par moments sans perdre de pertinence, de mordant et d'aptitude à déjouer les idées reçues.
Sur le viol, la prostitution, la pornographie, mais surtout, en général, sur la représentation de la féminité, de la masculinité ainsi que de leurs rapports réciproques, l'approche politique et sociologique - discours sur la domination - n'est jamais perdue de vue. Cette approche permet un niveau de généralisation très opportun et hautement convaincant, qui conteste l'ensemble des relations de genre, bien au-delà des cas extrêmes considérés.
La seconde séquence en particulier - "Je t'encule ou tu m'encules ?" qui pourrait aussi s'intituler "De l'aliénation" - m'a semblé très fertile : 1. raisons de l'enthousiasme des "gamines à adopter les attributs de la 'femme-objet'" (p. 22) ; 2. la propagande de la maternité comme facteur d'insécurisation et imputation féminine d'une responsabilité mixte et collective (p. 25) ; 3. parallèle entre confiscation du corps féminin et masculin (p. 28-29).
Je retiens aussi les angoisses sociales et de classe relatives à la prostitution (concurrence avec le contrat matrimonial) (p. 63), et la criminalisation de la sexualité masculine (passim. mais en particulier sur le viol : "le propre de l'homme" (p. 54) et sur la prostitution, rendue problématique en fonction de la position de domination (p. 87)).
La séquence finale, avec cit. d'Artaud et de Sartre, sans apporter de proposition ou d'indication sur les priorités que l'auteure envisage au sujet du militantisme féministe, donne cependant l'ampleur de la construction idéologique à questionner. L'affranchissement du machisme semble passer aussi par l'émancipation masculine. Et j'aime bien ça, comme note conclusive, sans doute parce que je me sens le plus directement interpellé (même au sens propre)...
En attendant de prendre connaissance de quelques autres de ses oeuvres, j'ai trouvé ce récent article de Libé assez révélateur de la démarche et du caractère de Virginie Despentes :
http://www.liberation.fr/livres/2013/03/20/dialoguez-avec-virginie-despentes_889964
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