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[Le bocage à la nage | Olivier Maulin]
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Franz



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Posté: Ven 20 Déc 2013 14:46
MessageSujet du message: [Le bocage à la nage | Olivier Maulin]
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Dans la Mayenne rurale, les retraités restent insensibles aux arguments de vente de Philippe Berthelot, représentant en monte-escaliers électriques, au grand dam du patron de Top Indépendance, Môssieur Boulbanec que Berthelot a rebaptisé en catimini Boule-de-merde. Le commercial raté, tancé et meurtri trouve refuge après sa vaine journée auprès de Cro-Magnon, trentenaire marginal, ancien para, vivant de menus expédients dans une caravane déglinguée. Les deux potes aiment hululer de concert. Ils descendent des bières à tout bout de champ. Par ailleurs, Cro-Magnon rend service au seigneur du Haut-Plessix, alias comte de la Petite-Touche, plus prosaïquement Michel Rabinière, gentleman farmer versé dans l’alchimie, propriétaire d’une gentilhommière en ruine et des terres avoisinantes prêtées à des marginaux de tous crins : « une trentaine de personnes, ainsi que quelques familles, vivaient à présent sur le domaine, travaillant la terre, élevant des vaches et des moutons ». Rapidement, des antagonismes apparaissent. Il y a d’un côté les mangeurs de cadavres et d’un autre les brouteurs d’herbe. Berthelot, Cro-Magnon et Pote-Jésus croisent sur le domaine la belle nudiste Ninette qui vient leur faire la bise alors que « ses seins généreux aux tétines roses » frôlent leurs poitrines : « Le plus dur… c’était de la regarder dans les yeux… Comme la pomme de Newton, le regard des hommes étaient constamment attiré vers le bas à cause de la loi de l’attraction ». Alors que la première partie du roman campe un micro monde en quasi autarcie, la seconde partie voit l’arrivée de deux agents de la DCRI, le capitaine Béjart et le commandant Martin, ivres « de la puissance, celle qui vous gonfle de force et d’arrogance », aux ordres de Bertand Manzoni, directeur du renseignement intérieur. Ils doivent dissimuler un document explosif dénonçant les agissements de ministres corrompus. Manzoni espère se couvrir avec le dossier pétard au cas où mais la cachette proposée par Béjart s’avère un flop retentissant. En effet, sa maison de famille délaissée, dans la Mayenne profonde, se fait visiter par Cro-Magnon qui ne voit que le verso vierge des documents c’est-à-dire des feuilles de dessin et de gribouillage pour la petite Charline, la sœur de Léonie. Les deux barbouzes vont devenir deux pieds nickelés et leur expédition au domaine du Haut-Plessix va virer à la Berezina.
En résidence d’écrivain dans la Mayenne, l’Alsacien Olivier Maulin en a profité pour parcourir le département, s’en imprégner et imaginer une histoire foisonnante dont le point d’orgue est la déculottée des cadors, la fessée magistrale des caïds de la République, en réalité des largués sociaux, des impotents sentimentaux. Lorsqu’ils s’immiscent dans la vie des marginaux et y portent un regard de mépris et de dégoût, le roman prend une autre dimension qui déclenche l’hilarité et la compassion du lecteur. A travers les quiproquos, les faux-semblants, les virevoltes et les erreurs de jugement, un rire mélancolique s’échappe. Tous les protagonistes sont des losers, certains magnifiques, d’autres pathétiques. Les dialogues fusent et sonnent juste. Le style de l’écrivain est alerte. Il y a de la verve, de la truculence. Il n’y a pas de temps mort, de ralentissement. Les deux parties s’emboîtent parfaitement. Plusieurs niveaux de lecture sont possibles. La dénonciation du libéralisme y est flagrante. Au passage, la diatribe sur la destruction du bocage est parfaitement juste. L’auteur s’est précisément documenté. La communauté qu’il décrit est dans la droite ligne du courant naturien né dans les années 1890-1900 alors que les prolétaires et les ouvriers tournaient le dos à l’industrie et au progrès pour constituer des petites communautés libres cherchant à contrôler ses besoins afin d’acquérir davantage de liberté. Les premiers écolos naissaient, loin des écoles et des dogmes. Leurs idéaux ne prêtent toujours pas à sourire aujourd’hui. Ils restent plus que jamais d'actualité.

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