Je crois que tout le monde -ou presque- connaît le synopsis d' "American Psycho".
Le jour, Patrick Bateman est un jeune golden boy new-yorkais, qui voue à Donald Trump une vénération sans borne.
La nuit, c'est un meurtrier dont l'imagination perverse ne connait aucune limite.
N'allez pas imaginer que le héros se métamorphose, ou troque son costume griffé Armani et ses mocassins Balenciaga contre un tablier de boucher, pour se livrer à ses débauches nocturnes.
Le qualifier de boucher n'est d'ailleurs pas réellement à la hauteur de sa barbarie. Il viole, découpe, mord, dévore, tronçonne, décapite... et pratique ces macabres opérations avec le même sang-froid, la même désinvolture qu'il affecte dans les actes de la vie quotidienne.
Tout comme le ton qu'emploie Bret Easton Ellis est identique tout au long du récit, qu'il déverse ses longues litanies de marques luxueuses pour décrire les tenues vestimentaires de ses personnages, ou qu'il énumère les abominables sévices que Patrick fait subir à ses victimes. Il le fait d'une écriture précise et factuelle, avec une abondance de détails qui confère au récit un rythme bien particulier, presque hypnotique.
Tout est TROP, dans "American Psycho" : les scènes de meurtres sont trop gore, le comportement des protagonistes, trop affecté, trop superficiel, trop cynique... Tout sauf l'écriture, qui justement reste d'une glaçante neutralité.
Du coup, les héros ne semblent jamais vraiment réels. Nous évoluons ici dans un monde d'individus interchangeables (d'ailleurs, eux-mêmes se confondent souvent les uns avec les autres), sans passé, sans souvenirs, ni véritables émotions, aussi lisses et impersonnels que des mannequins de catalogue. Tous ont les mêmes aspirations : être en vue et à la mode, rester jeune, beau, athlétique et bronzé. Les femmes sont toutes blondes et "bien roulées", riches, faciles, et parfaitement stupides. Tous ont les mêmes craintes : vieillir, grossir, rester seuls, devenir "has-been"...
Rien de vraiment remarquable ne leur arrive. Le roman est une longue suite de diners dans les restaurants dernier cri, de sorties dans les boîtes "in" (et où il est de préférence possible de s'approvisionner en cocaïne). Chaque jour semble n'être qu'un éternel et vain recommencement.
Cet aspect caricatural est bien sûr volontaire.
En forçant ainsi le trait sur la superficialité et le cynisme de ses personnages, en exagérant à outrance la futilité de leurs préoccupations, en ne mettant aucune limite aux actes de Bateman, il dresse le portrait d'une élite qui détient le pouvoir en toute impunité dans une société de l'argent-roi, où le paraître et l'égocentrisme supplantent l'intelligence et l'humanité.
Finalement, "American Psycho" est une comédie. Une fable grinçante, macabre, à l'ironie corrosive, mais une farce quand même. Oui, "American Psycho" est drôle, parfois même désopilant.
Le snobisme poussé à l'extrême de ses héros, l'importance vitale qu'ils accordent à des futilités, les mettent dans des situations quelquefois improbables et burlesques, source d'un humour presque absurde, décalé.
"American psycho" est, je crois, un roman qui ne peut pas laisser indifférent. Je peux comprendre qu'il dégoûte, qu'il horripile...
Je suis quant à moi admirative de la maîtrise de Bret Easton Ellis, de l'impact que le flux de son écriture est susceptible de susciter chez le lecteur.
Dois-je ajouter que je vous conseille fortement "American psycho", si vous ne l'avez pas -encore- lu ?
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