[A la demande générale : carnets 2009-2011 | André Blanchard]
Si Vesoul nous était conté, il est probable qu’on ne glisserait même pas un penny dans la fente quelle que soit la rengaine sortant du juke-box. Savoir qu’André Blanchard officie comme ange-gardien des salles municipales d’expositions de la très centrale préfecture de Haute-Saône et qu’à ses heures pleines il parle et critique l’art, parfois la politique et le plus souvent la littérature en y mêlant sa vie avec ses tracas quotidiens, tout cela fait qu’on est prêt à payer pour la chanson à venir. Mélodiste et parolier hors pair, l’auteur sait manier le verbe pour le faire sonner, quitte à boxer son quidam d’un mot gnon bien senti. Dans le ramassé de sa phrase, la pensée est condensée en mots dégoupillés autant dire que la formule qui en résulte est explosive : « On reconnaît une révolution à ce que le haut du panier finit au fond ». Le Clézio, tout nobélisé fusse-t-il, comparé à Maupassant, ne fera pas le poids, même léger. Entre le croqué à vif, serré comme un poing, du taureau normand et la fadasserie lardée de clichés du Breton apatride, il n’y a pas photo. Dans sa maison close (depuis sa tour d’ivoire), Monsieur Michon ramasse aussi sa claque. Il faut dire que l’infatué se la pète-sec alors que ses écrits minuscules empruntent sans guillemets aux bons auteurs d’antan. André Blanchard souligne que : « Comme peu de lecteurs sont des lettrés à l’ancienne, ça passe ». Evidemment, il y a toujours les chouchous : Mauriac, Balzac, Proust, Baudelaire « […] il eut toujours le verbe à même d’être tout à la fois, aussi bien image que sens, beauté que destin », Chateaubriand, Léautaud, Nietzsche « philosophe agréable à lire, compréhensible, qui ne nous enfume pas… », Calaferte « […] la seule littérature qui vaille… [est] celle à base « de poésie et de vie », etc. Chez un amoureux des mots tel Blanchard, les lettres comptent et racontent. Les faiseurs ont droit à une correction en règle (sur le bout des doigts), ainsi des galeries d’art contemporain avec leurs cartons d’invitation m’as-tu-vu : « Comme titres des expos, on peut lire maintenant des accroches telles que celles-ci en guise d’eau à la bouche : « Project Room », « Bookstorming », « On/Off », « Mix », « The Museum as medium », « Signs and Wonders », etc. Et, pardi, le vernissage aussi modifie son blaze ; il devient « Brunch ». Parfois, André Blanchard change son fusil d’épaule et après avoir daubé à qui mieux mieux, reconnaît des qualités à des écrivains surfaits tel Philippe Sollers, admirable par sa « passion littéraire » intacte « à plus de soixante-quinze ans » ou a des cinéastes tel Haneke « Le Ruban blanc… C’est une splendeur ». Quant à Houellebecq, il reste un « piètre bonhomme […] ayant le zizi comme fonds de commerce », Yves Simon « Comme cucuterie, ça vaut dix… », BHL « ce Tartarin », Bobin « ce gentil fêlé ». Il serait fastidieux et vain de dresser des listes. Les carnets courent sur trois années et se dévorent d’une traite en laissant comme arriérés un plaisir durable en couvée, palpitant sous la suie des jours.
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