Faire le choix d'un enfant de cinq ans comme narrateur comporte quelques écueils...
Dans "Room", j'ai au contraire eu l'impression que ce choix avait permis à Emma Donoghue d'éviter certains pièges inhérents au thème de son intrigue : la relation d'un sordide fait divers...
Pour ne pas trop en dévoiler, je me contenterai de préciser qu'une mère et son fils Jack sont séquestrés depuis plusieurs années par un homme que nous connaissons sous le surnom de "Grand méchant Nick".
Et c'est donc Jack qui nous sert de guide dans l'enfer de ce quotidien qu'il vit avec sa maman dans une pièce, "la Chambre", de quelques mètres carrés. Une unique et minuscule lucarne leur permet d'apercevoir la lumière du jour. Leur ravisseur leur apporte une à deux fois par semaine le strict minimum pour survivre, et reste à cette occasion dormir dans le même lit que sa maman, pendant que Jack se cache dans la penderie.
Je parle d'enfer, mais ce n'est pas ainsi que l'enfant perçoit cet univers certes confiné et restreint mais qui est le seul qu'il connaisse, et au sein duquel il vit plutôt heureux, compte tenu des circonstances. Au rythme des activités que sa mère organise quotidiennement, des histoires qu'elle lui raconte (certaines ayant pour but de lui cacher la vérité sur leur situation), et surtout, riche des apprentissages qu'elle lui enseigne et de l'amour qu'elle lui procure, il grandit dans un sentiment de sécurité et d'épanouissement relatifs.
C'est sans doute pour cette raison que nous ne tombons jamais dans le misérabilisme : Jack appréhende les événements avec sa naïveté d'enfant, et en fonction de ce qui lui est familier, sans notion de la "normalité", puisque ses seuls repères sont ceux qui lui a inculqués sa mère pour lui permettre d'évoluer dans leur petit monde.
L'auteure a trouvé le juste équilibre entre la candeur de l'esprit enfantin de Jack, et la maturité que sa mère lui a permis d'acquérir par ailleurs dans certains domaines. Dans un style plausiblement maladroit, il exprime ses craintes, son incompréhension face à un monde d'adultes dont il a été préservé durant les premières années de son existence. C'est aussi par son intermédiaire que nous prenons toute la mesure des angoisses maternelles, du douloureux et constant combat que mène la jeune femme pour ne jamais baisser les bras, et sauver son petit garçon. Car il arrive en effet un moment où, "Grand méchant Nick" se montrant de plus en plus menaçant, il devient urgent d'envisager une évasion...
La relation mère/fils que dépeint Emma Donoghue est très touchante. Par la voix de Jack, nous découvrons toutes les ressources que l'imaginaire peut mettre en œuvre pour permettre à l'individu de survivre, et nous sommes véritablement immergés avec lui dans son quotidien.
C'est dès le départ, d'ailleurs, que je me suis sentie impliquée dans ce récit. Avant de comprendre la situation, immédiatement plongé dans l'esprit de Jack, le lecteur se demande où il se trouve... puis assez rapidement, quelques indices lui font entrevoir l'horreur de la dite situation.
Ensuite ? Eh bien, ensuite, il devient impossible de lâcher ce roman, et de quitter Jack avant de savoir ce qu'il va advenir de lui !
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