De Joyce Carol Oates, j'ai souvent lu de longs récits. Parfois trop longs, d'ailleurs, donnant le sentiment d'un inutile délayage (je pense, notamment, à "Eux").
J'étais donc curieuse de découvrir comment son talent allait pouvoir -ou non- s'exprimer dans la brièveté.
"Délicieuse pourritures" est en effet un récit court, dégraissé de toute digression superflue. Et c'est pourtant un récit riche et dense. Le lecteur est immédiatement plongé dans le vif du sujet par la voix de Gillian, la narratrice, une vieille dame qui revient sur les événements qui marquèrent, dans les années 70, son existence d'étudiante dans une université pour filles.
Avec une dizaine de ses camarades, elle fréquente alors l'atelier de poésie dirigé par Andre Harrow, professeur charismatique, à la fois fascinant et tyrannique. Pour guider ses élèves dans leurs tentatives de productions littéraires, il les exhorte à une introspection profonde et sincère, afin de laisser s'exprimer leurs pulsions inconscientes, leurs sentiments inavouables. Pour reprendre sa propre métaphore, il les incite à "chercher la jugulaire".
Certaines des filles, fragilisées par leur hypersensibilité et un contexte familial parfois sordide, exaltées par la présence, l'influence d'Andre, vont atteindre leurs limites... Avides de plaire au couple que forme ce dernier avec Dorcas, une sulfureuse sculptrice, elles ont laissées s'aviver des angoisses et des mal-être qui vont finir par les engloutir. Leur envie d'indépendance intellectuelle et de modernité, galvanisée par un contexte de libéralisation des mœurs, mal maîtrisée, se confondent avec l'outrance de leurs attitudes provocatrices, qui dissimulent un malaise latent.
Quant à Gillian, issue d'un milieu où il était préconisé de taire ses émotions, ses colères, elle est peu à peu déstabilisée, à la merci du dangereux mentor et de sa vénéneuse épouse...
"Délicieuses pourritures" est, vous l'aurez compris un roman à l'atmosphère oppressante. Dans le climat de mystère malsain instauré par le couple malfaisant, qui mêle sexe, secret et compétition, seul le pire est envisageable. Joyce Carol Oates instille à son récit une tension grandissante, jouant avec intelligence sur les registres de la sensualité et de la perversité. Elle démontre ainsi qu'elle sait -aussi- être efficace dans la concision...
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