Deux prémisses : le centre de contrôle thermique corporel situé dans l'hypothalamus possède une précision de régulation telle que "nous aurions pu nous passer de vêtements même par les froids les plus rigoureux" (p. 10) ; pour autant, l'usage des habits est attesté depuis une période antérieure au glaciaire.
D'où la problématique de la raison de l'habillement, conçu comme "costume", comme deuxième peau, comme travestissement lié à l'embellissement et à la séduction dans le cadre de la complexe dialectique de l'enrobement et du dérobement, de la différence et de la conformité, du caché et de l'exhibé, de l'excitation et de la possession différée, de l'humanité et de l'animalité... La perspective est focalisée sur le côté féminin, l'invention vestimentaire et en général la compétence de la femme sur son corps s'avérant être un aspect de sa conscience aussi précoce que très remarquablement développé.
D'un bref traité (au style plutôt XIXe s. malgré un ton parfois très contemporain) de paléoanthropologie de l'habillement - les chapitres concernant l'époque qui s'étend entre le paléolithique et l'antiquité comportant presque deux tiers de l'ouvrage - le texte devient ensuite une simple histoire de la mode féminine, et hélas, bien que les sources historiques progressivement de plus en plus abondantes eussent permis de se pencher davantage sur la problématique, et notamment sur l'évolution des "stratégies de séduction" à travers la grande variété des modes vestimentaires qui se sont succédées parfois de façon cyclique - ce qui était sans doute ce que je recherchais dans ma lecture -, cette analyse tarit. Le choix du costume féminin se fait aussi plus arbitraire. Les quelques remarques théoriques ultérieures sont également et paradoxalement plutôt dés-historicisées, même si parfois elles sont pénétrantes et donnent matière à réflexion :
"Le vêtement n'est que fétiche. [...] la raison d'être de l'habillement est vite oubliée au profit de sa représentation. Là est sa réalité qui, grâce à notre intelligence, nous a permis de devenir, à travers le costume, à la fois acteurs et spectateurs de nous-mêmes. [...] Nous nous sommes vus, nous nous sommes plu et depuis nous ne nous sommes plus perdus de vue. Depuis, nous avons toujours cherché à nous étonner de nous-mêmes. Étonne-moi ! Toute l'histoire de l'habillement tient dans cette petite phrase." (pp. 64-65).
La chute est plutôt intéressante : dans le contexte du vêtement comme "armure sociale", la démocratisation de la voiture déplace cette fonction vers la "carrosserie-vêtement", d'où la pénibilité, maladresse et mauvaise volonté à se mouvoir en s'extrayant de "l'habit-tacle" (p. 180)... (mais là, il me semble que nous sommes totalement sortis de la spécificité féminine !)
PS: les croquis d'habits par l'auteur (dont celui de la Korê archaïque du VIe s. av. J.-C. figure sur la couverture rose fushia qui pourrait en décourager une phalange...) sont très beaux.
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