"La Bible a secrètement été écrite pour notre époque.
Son texte véhicule un inconscient : une philosophie pour l'humanité bien plus ample et radicale que celle qui a jusqu'ici été lue. Une immense révolution en émerge, qui appelle à dépasser les vieux schismes entre juifs et chrétiens, religion et modernité, spiritualité et psychanalyse.
L'ouvrage développe le projet philosophique de cette voie en sept tomes, édités de manière rapprochée au cours de l'année 2011.
Ce premier tome, "Le Dieu hébreu", nous fait découvrir un Dieu éminemment révolutionnaire qui subvertit toutes les identités et tous les ordres établis et fonde le principe de la relation par delà toutes les frontières. Il travaille à l'avènement de la féminité au cœur de sa création."
Pierre Trigano développe ici, comme l'indique le titre, la question de Dieu tel qu'il est révélé dans la Bible, à partir de l'hébreu.
En 13 chapitres, il développe la "notion" hébraïque de YHWH, en utilisant les outils traditionnels (cabalistiques) d'interprétation des Écritures. On y découvre notamment la grande différence qui existe entre les interprétations reliées à la pensée grecque (portées par l'Eglise) et celles fidèles à "l'esprit hébreu" transmises par la Bible. Notre manière de percevoir YHWH s'en ressent fortement.
Trigano nous amène aussi à relire certains textes en passant par Jung et Marx, ce qui, si c'est discutable méthodologiquement, est néanmoins très intéressant pour éclairer certains aspects de l'interprétation biblique. Et surtout, pour déconstruire les théologies figées, rigides et étouffantes des institutions.
Au final, ce livre, certes un peu compliqué pour des personnes habituées au mode de pensée occidentale (Trigano fait son commentaire sous forme elliptique, à la "mode hébraïque", et ne suit pas une logique rectiligne), est intéressant et stimulant à plus d'un titre.
Les points qui me touchent le plus :
- YHWH n'est pas enfermé dans une identité : il est un "néant d'être" qui change sans cesse. Ce qui ne change jamais, c'est que tout change sans cesse. Ainsi, enfermer Dieu dans une identité (genre : le Tout-Puissant, etc.) en faisant de lui un absolu, c'est le trahir. Le Satan, c'est la puissance d'enfermement du sujet dans une identité déterminée.
- L'humain porte en lui (étant image de Dieu) ce néant d'être. Il a, dès la naissance, une identité (nécessaire à sa construction) qu'il est invité à dépasser en étant en relation avec les autres. Le néant d'être en lui le pousse à ne pas rester toujours le même. Dans la dialectique existant entre ce néant d'être et cette identité naît la personne, toujours la même et toujours changeante, inclassable, qui ne ressemble à aucune autre (in-dividis) mais qui n'est pas figée comme un objet. La liberté de l'homme se trouverait peut-être à ce point dialectique d'ailleurs.
- Le "royaume de YHWH" (expression "royaume de Dieu" rendue dans les Evangiles notamment) est essentiellement une expression de la féminité (entendre : principe féminin), et l'humain est invité à mettre en oeuvre une société basée sur ce principe féminin, qui est motivée par l'amour, l'accueil de l'autre, la bienveillance, etc.
Tout ceci est très bien développé par Pierre Trigano, dans ce premier tome de l'inconscient de la Bible. Ce tome mériterait sans doute d'être réécrit dans un langage plus simple, mais cela demanderait un travail assez considérable, au regard de la pensée complète qui est décrite.
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