Marco apprend de manière assez brutale et inattendue que son père a contracté un mariage blanc une dizaine d’années auparavant avec une roumaine, ainsi Anka puisque c’est son prénom a pu obtenir des papiers contre la somme de 1500€. Or voilà qu’elle est retrouvée morte dans un jardin public, des suites d’une tuberculose. Cette nouvelle n’émeut pas vraiment les parents de l’ado, pas plus que sa sœur, son père regrettera juste de ne pas avoir pensé à divorcer puisque maintenant, les frais liés au décès lui reviennent. Marco lui, est profondément bouleversé et va partir sur les traces d’Anka, il veut savoir qui elle était et comprendre comment on peut mourir seul, dans un jardin public. Plus il en saura plus la révolte va naître en lui.
Des passages très émouvants du journal d’Anka s’entremêlent au récit, on remonte dans l’ordre anté-chronologique du jour de sa mort jusqu’à son mariage, ils font entrevoir au lecteur le quotidien d’une immigrée et c’est d’autant plus poignant qu’on imagine très bien que la situation d’Anka n’a rien « d’exceptionnel » mais qu’il s’agit bien de l’ordinaire de milliers d’autres. Or, face à cette détresse nous n’affichons qu’indifférence, au mieux nous restons détachés ou lâches, au pire, comme le père de Marco, nous en tirons profit. C’est en ça que le récit de Guillaume Guéraud est particulièrement dérangeant, il nous renvoie à notre propre attitude, il pointe une société individualiste qui tolère la misère et laisse mourir les jeunes femmes sur les bancs publics.
Encore une fois, Guillaume Guéraud écrit un livre contemporain très fort, brutal, il pointe du doigt le malaise de notre société et il vise juste, avec une langue dure et sobre à la fois, dans le sens où il n’en fait pas des tonnes : il dit ce qu’il y a à dire avec son style habituel et c’est d’ailleurs pour ça que ses romans nous touchent autant. Au fil des pages, on sent une progression de la tension, jusqu’au final, violent et désenchanté. Je crois que ce roman interpelle vraiment les ados : « est-ce dans ce monde qu’ils veulent vivre ? »
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