[Le métissage - Un exposé pour comprendre, un essai pour réfléchir | François Laplantine, Alexis Nouss]
Le texte remonte à 1977 mais il semble plus actuel que jamais, grâce à une approche éminemment théorique, principalement philosophique et anthropologique.
Première partie : "Un monde métisse". C'est la moins intéressante. Les exemples historiques de brassage sont assez attendus et pas très approfondis. Je retiens néanmoins :
"Le processus du métissage commence lorsque la nationalité ne suffit plus à définir l'identité, mais bien plutôt l'appartenance à ces villes-mondes (cosmopolis)." p. 17
Dans le ch. sur le métissage linguistique, je retrouve curieusement des notions sur la traduction qui appartiennent à l'essai que je viens juste de terminer (Berman). Et de noter encore :
"La traduction est dialogue entre les langues. Or il en va du dialogue comme de la rencontre et du voyage : sa valeur tient dans la distance parcourue." p. 37 - phrase assez énigmatique à la relire, qui peut avoir au moins deux sens assez contradictoires.
Seconde partie : "Pour une pensée métisse". C'est là que l'on se régale, la nourriture devient plus substantifique. Surtout dans "Jalons théoriques" qui est surtout une réfutation de l'antimétissage, de la pensée de l'unicité, mythe de la pureté et des origines, illusion positiviste et leurres du culturalisme et du multiculturalisme tournés vers le passé.
"Les déceptions des promesses de l'universalisme abstrait ont conduit à des crispations particularistes dont nous n'avons pas fini d'entendre parler : l'absolu de la pureté religieuse, l'affirmation culturelle exclusive par enracinement restrictif dans le terroir ou la mémoire, la thèse de l'ethnicité qui véhicule souvent de manière larvée le racisme." p. 64
"Le métissage, qui est une espèce de bilinguisme dans la même langue et non la fusion de deux langues, suppose la rencontre et l'échange entre deux termes..." p. 68
Suivent des ch. ouvrant le métissage à différents champs du savoir, avec des références respectives : philosophie métisse - Nietzsche (pas très claire), mais surtout Deleuze, Foucault, Lévi-Strauss (bien sûr), Ricoeur (évidemment), Jankélévitch ; arts métis - surtout la littérature, avec ses "polyglottes" d'auteurs migrants, mais aussi avec moult références à Fernando Pessoa auquel je n'avais pas pensé ; la musique et notamment le jazz, mais aussi Bartok, Debussy, Ravel, De Falla, Stravinski, et le fado ; peinture du cubisme au collage, de Manet au pop art.
Enfin un court ch. conclusif : "Le métissage : une éthique", qui convoque de façon assez sibylline la dialectique entre mémoire, rencontre et devenir, réfutant pourtant la chronologie.
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