Je connaissais de Tim Willocks son génie pour instiller à ses récits une tension quasi insoutenable, sa capacité à nous imprégner d'atmosphères glauques.
Avec "La Religion", délaissant le genre auquel il nous a accoutumé (le roman noir), il nous livre une autre facette de son talent. A la fois fresque historique, roman d'aventures, épopée guerrière, ce récit nous entraîne sur l'île de Malte à la fin du XVIème siècle, où l'ordre des Hospitaliers et ses chevaliers se préparent à affronter l'armée ottomane du sultan Solimane le magnifique.
Le siège qui va suivre sera l'un des plus spectaculaires et des plus éprouvants de l'histoire.
Nous suivons dans ce contexte une galerie de personnages tels que Tim Willocks sait les peindre, dotés d'une force de caractère hors du commun, d'une présence presque tangible pour le lecteur.
Leurs personnalités rayonnantes, extraordinaires, peuvent certes sembler parfois peu crédibles, mais c'est aussi ce qui fait à mon sens une partie de la magie de "La Religion", dont les héros acquièrent ainsi une dimension presque mythique, et contribuent à accentuer le caractère épique de l'intrigue.
Mattias Tannhauser, personnage central du roman, est tout à fait représentatif de cette description.
Ce marchand d'armes, d'opium et d'épices, familier de la culture ottomane comme de l'européenne (d'origine saxonne, il a été recueilli par un capitaine turc suite au massacre de sa famille), peut se révéler tour à tour raffiné et sanguinaire, humaniste et mercenaire...
Il arrive sur l'île avec une double mission. Sollicité par les chevaliers de l'ordre de Malte qui pensent tirer profit de son expérience au sein de l'armée ottomane pour obtenir de précieux conseils stratégiques, il l'est aussi par la Comtesse Carla de Pénautier, qui l'a convaincu de l'aider à retrouver le fils illégitime qu'elle a été forcée d'abandonner douze ans auparavant.
Les personnages secondaires sont eux aussi très marquants, de Ludovico Ludovici, l'inquisiteur sans pitié torturé par l'amour qu'il ressent pour Carla, à Amparo, la jeune femme à l'étrange beauté dont le comportement de sauvageonne cache une intelligence et une intuition hors du commun.
Il y en a encore beaucoup d'autres, que je vous laisse le soin -et le plaisir- de découvrir.
Et vous aurez d'ailleurs le temps de bien apprendre à les connaître, car "La Religion" est un long récit, au cours duquel les journées paraissent parfois interminables d'horreur, de combats qui se répètent... un récit par conséquent en parfaite adéquation avec le contexte qu'il décrit, puisque le siège de l'île de Malte durera presque quatre mois (de mai à septembre 1565), sous une canicule implacable...
J'écrivais en préambule qu'avec ce roman, Tim Willocks démontre qu'il a plusieurs cordes à son arc. Ceci dit, on y retrouve en commun avec ses autres œuvres son écriture puissamment évocatrice, sa plume qui sait se faire lyrique même lorsqu'elle dépeint l'horreur... et qui fait de "La Religion" un récit foisonnant, passionnant, où la barbarie côtoie les plus belles manifestations d'amour ou d'amitié.
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