"Scintillation", le dernier roman en date de l'écossais John Burnside, a d'emblée quelque chose de poignant.
Le ton utilisé par le narrateur, Leonard, qui nous explique qu'il va, avant de l'oublier et de se "détacher du monde", nous raconter une histoire, y est pour beaucoup. Il en émane une immense mélancolie, et on subodore que ce qui va suivre sera terrible.
Et cette impression est rapidement confortée. Le monde qui tient lieu de cadre au récit est lieu sinistre, obscur, cauchemardesque. Il s'agit de "l'Intraville", une zone oubliée des pouvoirs publics, contaminée par l'activité d'une mystérieuse usine dorénavant condamnée, qui suscite une sorte de fascination chez Leonard et d'autres jeunes, qui viennent parfois errer dans son espace délétère, à la fois déshumanisé -car déserté-, et curieusement organique, de par les émanations qui se dégagent du sol alentour, et les étranges formes de vie qui y prennent forme.
Nombreux sont les habitants de "l'Intraville" qui, ayant travaillé à l'usine, sont atteints de maladies graves. La mort est omniprésente, l'avenir inexistant.
Même les disparitions de jeunes garçons, que la police classe sous le fallacieux prétexte qu'il s'agit de fugues, ne semblent guère émouvoir la population... Les parents, infectés, souvent alcooliques, se montrent au mieux indifférents à leur progéniture, et les adolescents, comme englués par l'atmosphère de pourrissement et de désespérance qui imprègne l'endroit, manifeste un vain désœuvrement.
Toutes les questions que pourrait se poser le lecteur -sur les événements à l'origine de cette situation apocalyptique, ou sur ce qu'il est advenu des disparus, notamment- resteront sans réponse, comme on le comprend d'ailleurs assez vite.
L'important, ici, n'est pas d'obtenir des explications ou de résoudre une énigme... C'est la puissance d'évocation que déploie John Burnside pour nous immerger dans l'ambiance pesante de son récit, dans cet univers dont on ne sait s'il dépeint une terrifiante réalité ou une fantasmagorie apocalyptique, et nous toucher par l'infinie tristesse qui plombe ses personnages.
J'avoue en revanche que la fin m'a laissée dubitative : je l'ai trouvée sans réel lien avec le reste du roman, auquel à mon sens elle n'apporte pas grand-chose. Mais ce n'est après tout qu'un détail tant l'écriture de l'auteur, qui fait de "Scintillation" un chant funeste, mais d'une douloureuse beauté, m'a séduite.
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