"Lanark" est considéré comme l'un des romans culte de la littérature écossaise de la fin du XXème siècle. En ce qui me concerne, la première réflexion qui m'est venue à l'esprit en refermant ce livre, c'est qu'il est à la fois complètement original et surprenant, tout en étant riche de nombreuses références : on pense, en alternance, à Kafka, à Orwell, à Lewis Caroll..., pour ne citer qu'eux.
Je n'ai aucun mérite à citer ces quelques illustres plumes : l'auteur lui-même, dans un épilogue placé, comme toutes les parties de son récit, de façon fantaisiste (le livre III ouvre le récit, pour être suivi du prologue qui précède le livre I, et tout est à l'avenant) énumère de manière exhaustive toutes les oeuvres qui l'ont inspirées dans la rédaction de "Lanark". Mais il le fait avec beaucoup d'humour et d'auto-dérision, se plaçant comme un observateur qui raillerait son propre travail d'écrivain en prenant ses distances vis-à-vis de la fiction qu'il est train d'élaborer...
Le propos et l'atmosphère de "Lanark" ne sont pourtant guère joyeux ! Nous accompagnons Lanark (puisque le titre de ce roman est aussi le prénom de son personnage principal) qui, en début de récit, se trouve dans un train désert le conduisant jusqu'à une ville froide, obscure et industrielle, qui n'est pas sans évoquer Glasgow. A son arrivée, il est accueilli par un individu morne et antipathique qui le mène au bureau de l'allocation où il doit s'inscrire pour percevoir de l'argent. Amnésique, notre héros ignore ce qui l'a amené dans ce lieu à l'atmosphère sinistre et poisseuse, tout comme il n'a aucun souvenir de son passé. Il finit par faire la connaissance, dans un café où il se rend souvent et depuis le balcon duquel il tente d'apercevoir la lumière du soleil, d'un groupe de jeunes gens parmi lesquels Rima, avec qui il noue une étrange relation.
L'ambiance dont est imprégnée "Lanark" est un curieux mélange... tantôt glauque, tantôt absurde, ou surnaturelle, parfois tout cela à la fois, elle intrigue le lecteur, qui, curieux, n'a plus qu'à se laisser prendre par la main pour traverser les différents univers imaginés par Alasdair Gray (dont on devine qu'ils sont plus ou moins inspirés du monde réel), et tenter de comprendre où il veut l'emmener. Certains passages se teintent davantage de réalisme, quand d'autres verseraient presque dans la science-fiction...
On constate entre les diverses parties du roman, dont certaines relatent a priori des histoires distinctes, des correspondances qui tissent entre elles un lien qui reste malgré tout ténu.
Dans les passages plus "réalistes", nous suivons le destin de Thaw Duncan de son enfance à ses années de jeune adulte, lorsqu'il tente en vain, poursuivi par une malchance incroyable, de se réaliser en tant qu'artiste peintre. Asthmatique, solitaire, maladroit mais parfois aussi présomptueux, dénué de tout sens de l'humour, angoissé, détestant le monde, sa vie et lui-même, il a de nombreux points communs avec Lanark, dont il est une sorte d'alter ego.
Ceci dit, nous ne saurons jamais le fin mot de l'histoire : "Lanark" est-il le récit du cauchemar d'un jeune homme souffreteux et malheureux, dans lequel il exprime ses angoisses de façon fantasmagorique ? Ou bien celui de son passage dans l'au-delà à l'issue de son suicide ? N'est-il finalement que l'expression délirante mais parfaitement maîtrisée d'un auteur qui se joue de nous sans se prendre lui-même au sérieux, et ce pour notre plus grand plaisir ?
Lire "Lanark" est une expérience étrange, qui bouscule et étonne : les pirouettes de l'auteur, qui remet en question à intervalles réguliers la légitimité de son oeuvre, comme si tout cela, finalement, n'était que "pour rire" vous font passer du rire à l'angoisse, et vice-versa...
J'en garderai le souvenir d'un superbe roman tout en trompe l'oeil, une ode à la création littéraire comme source de jouissance avant tout.
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