Les carnets d’André Blanchard paressent à bonne allure. Avec ce nouvel opus intitulé Autres directions, on atteint les années littéraires 2006-2008, beaucoup plus fraîches à l’esprit. Hélas, comme l’auteur dans ses tergiversations azimutées, le lecteur marque le pas et cherche l’autre direction prônée dès le titre, mauvais au demeurant. Peut-être s’agit-il d’une pause avant une nouvelle attaque du terrain, nécessairement miné, de la vie littéraire vue depuis Vesoul ? André Blanchard reprend-il des forces avant d’amorcer un virage le propulsant dans l’actualité littéraire autrement plus délicate à commenter. Il faut atteindre la page 96 avant de goûter à la justesse du coup d’épée du Dédé qui jamais n’abolira le bazar. A propos de Nourissier, François, emporté dernièrement par Miss P., Blanchard écrit : « Nourissier, type d’écrivain au-dessus de ses moyens… ». Être lapidaire, c’est lapider et Nourissier vient de se manger une grosse pierre dans la tête, tombale, enterré avant l’heure, ici-bas. La suite des carnets devient ensuite bien plus nourricière, roborative même. On y découvre des auteurs en passant et l’envie de s’attarder devient très forte, ainsi de Kazimierz Brandys, exilé polonais, qui sait « peser au plus juste le prix des choses » et pour qui « la culture remplace la religion », ce qui « se paie par l’angoisse mais vous vaccine contre la haine ». Quand André Blanchard chine chez un libraire en liquidation de stock, on découvre ébloui des petites pépites charriées dans des flots d’inepties imprimées : « Je suis reparti avec cinq livres. 1) Lait noir de l’aube, de Jean Clair… 2) Dérive, de Vallejo… cette lecture nous laisse comme les contes : bouche bée. 3) Contre-enquête sur la mort d’Emma Bovary, de Philippe Doumenc… 4) Faits divers, de Robert Belleret… 5) Pharanoïa, de Vincent de Swarte… » Quand André Blanchard s’échine dans son musée, l’art contemporain des fonds régionaux est fustigé : « Il y eu l’art, il y aura son commerce. » On reste incrédule quand le jargon stupide, creux et prétentieux des plasticiens performers s’écrit sur les notices de présentation de leurs œuvres exposées : « Mon écriture est une glande explosive qui suinte dans les ourlets fictionnels de la langue ondoïde… ». Le lecteur glane sa glandée et glande en attendant la tannée, cette volée de bois vert qui sied si bien au fessier des outranciers plumitifs et autres vomitifs plasticiens. Blanchard vole, court et nous venge un peu, beaucoup, avec passion, contenue mais perceptible, donc transmissible et source de plaisir. C’est une des nombreuses vertus contenues dans ces carnets de franc-tireur de la littérature. En joue ! Feu ! Rouge ! Passez ! Et revenez-y !
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