La trépidante série américaine
24 heures chrono a dû déteindre au moins sur le titre et le découpage du dernier roman de Deon Meyer qui démarre entre 05h35 et 07h00 pour se refermer entre 18h37 et 19h51 soit environ 13h00 palpitantes mais ici, il n’y a pas de super flic pour sauver la planète.
13 heures emboîte directement le pas au
Pic du diable, roman publié en 2002, puisque Benny Griessel, flic sud-africain alcoolique est encore sous le coup du bannissement temporaire prononcé par sa femme, Anna. Il doit apporter la preuve de sa sobriété hors du domicile conjugal pendant six longs mois. Son labeur sur lui-même est ardu et le terme lui semble inatteignable alors que son travail à la SAPS, la South African Police Service, l’amène encore et toujours sur les lieux de crimes sordides. La donne a pourtant changé car Benny est un des derniers piliers de la police. Il devient formateur sur le terrain des nouveaux inspecteurs, une sorte de mentor. Comme toujours, Deon Meyer multiplie les trajectoires qui finissent par se croiser en fin de course. Deux meurtres ont été commis et ils sont incompréhensibles. Rien ne les relie hormis le superviseur des enquêtes policières, Benny Griessel. D’un côté, deux touristes américaines ont été prises en chasse par un groupe d’hommes. L’une est exécutée froidement, l’autre, la survivante, Rachel Anderson, s’enfuit et court encore, avec la bande organisée aux trousses :
« Elle les connaissait pratiquement tous, connaissait leurs corps secs, leur énergie et leur détermination, leur habileté et leur confiance en eux. » De l’autre côté, Adam Barnard, célèbre producteur de musique, est retrouvé mort à son domicile, sa femme ivre endormie, avec l’arme du crime à ses côtés. Braquer la lumière sur les flaques sombres de l’humanité, l’auteur sud-africain sait admirablement le faire. A mesure que l’histoire avance, par petites touches elle se nuance, les personnages se densifiant progressivement et remuant toujours plus profondément le lecteur qui halète sous l’emprise du mal et l’empathie due à l’effet de miroir. Les paragraphes parfois très brefs passent d’une affaire à l’autre, en temps réel. Ainsi le fil n’est jamais perdu mais il n’y a plus d’Ariane et le labyrinthe est sans issue. Pourtant, dans la noirceur ambiante, des loupiotes ballottées et malmenées clignotent encore. L’amour filial est une de ces sources de lumière insondable qui projettent des éclats vifs et des émotions saillantes. Benny n’est plus seulement un capitaine courageux mais un père exemplaire. Rachel Anderson, héroïne superbe, bête traquée, torturée et humiliée, va le sentir au plus profond d’elle-même :
« Il baissa son arme et s’approcha d’elle avec une immense compassion dans le regard. Il ramassa ses habits et la couvrit à la hâte, puis il la prit dans ses bras et la tint serrée contre lui. – Oui, dit-il. Je vous ai retrouvée. » En fin de compte, les deux assassinats ont partie liée et jouent sur des tempos différents. L’enquête menée par le métis Fransman Dekker sur le meurtre d’Adam Barnard est lente, enroulée en volutes brumeuses. Celle de l’inspecteur Vusi Ndabeni est menée sans cesse sur la corde raide. La partition orchestrée par Benny Griessel est remarquable de cohérence et d’intuition. Deon Meyer a signé un nouvel opus très cinématographique avec en toile de fond un voile mélancolique sur la perte et l’abandon.
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