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[La part obscure de nous-mêmes - Une histoire des perver...]
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apo



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Posté: Jeu 22 Juil 2010 21:59
MessageSujet du message: [La part obscure de nous-mêmes - Une histoire des perver...]
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[La part obscure de nous-mêmes - Une histoire des pervers | Elisabeth Roudinesco]

La perversion apparaît dans cet essai dans toute sa dimension sociale et politique, donc profondément déterminée par l'Histoire, qui dicte sa propre désignation du monstrueux, du pathologique, du "médicalisable", du socialement et juridiquement punissable. Cette désignation est donc changeante avec le temps.
Le premier chapitre consacré au Moyen-Age, en effet, est caractérisé par une certaine porosité des limites entre mysticisme (quête du sublime) et abjection, notamment par rapport à la flagellation, mais aussi à la coprophagie et fétichisation des autres détritus corporels, dont la qualification comme pratiques sexuelles (perverses) interviendra plus tard dans l'Histoire. Le personnage pervers le plus emblématique choisi pour représenter cette époque est Gilles de Rais (Barbe-Bleue), dont il est intéressant de noter aussi les rapports troublants qu'il entretint avec Jeanne d'Arc.
Un tournant s'opère avec les Lumières et avec la conception de la perversion comme volonté d'inversement de la loi religieuse et de la morale traditionnelle : libertinage, blasphème, pratiques voluptueuses de la sexualité. Le ch. 2 est donc entièrement consacré à Sade, et à sa pensée (ses oeuvres plus que sa biographie presque entièrement recluse...) inspirant une "utopie" fondée sur le triptyque : sodomie, inceste, crime.
Le tournant suivant date du XIXe siècle (qui toucha directement Sade lui-même) ; il est question de la définition de la folie et de sa possible guérison : "Avec, au coeur du processus de médicalisation des grandes passions humaines qui s'amorçait, la question de savoir ce qu'il adviendrait de la nature de la perversion dans un monde où les pervers, traités comme des malades, ne pourraient plus défier Dieu, n'ayant plus comme seul horizon que de s'en remettre à la science." (p. 72)
Le Ch. suivant, "Sombres Lumières ou science barbare ?" poursuit l'évolution positiviste - hygiénisme, psychiatrie, sexologie, médicalisation, classification, possibilité de guérison, fixation autour des trois types : enfant masturbateur, homosexuel, femme hystérique - mais il la met en rapport dialectique avec la révolution épistémologique de Freud ("Penseur des Lumières sombres"), qui "réhabilita l'idée selon laquelle la perversion est nécessaire à la civilisation en tant que part maudite des sociétés et part obscure de nous-mêmes." (p. 102-103) Etrangement, l'illustre psychanalyste et historienne de la psychanalyse qu'est Elisabeth Roudinesco s'attarde très peu sur ce nouveau tournant freudien, et préfère consacrer une grande partie de ce ch. à une analyse littéraire (Balzac, Flaubert, Hugo) de certains personnages romanesques, qu'elle me semble maîtriser approximativement. Là se situe ma première déception.
Ensuite vient un ch. intitulé "Les aveux d'Auschwitz". Je souscris totalement à l'idée que "Le nazisme a bien inventé un mode de criminalité [différente de tous les autres grands actes de barbarie du XXe siècle : le goulag ou Hiroshima] qui pervertit non seulement la raison d'Etat mais, plus encore, la pulsion criminelle elle-même, puisque, dans une telle configuration, le crime est commis au nom d'une norme rationalisée et non pas en tant qu'expression d'une transgression ou d'une pulsion non domestiquée." (p. 135) Face à l'énorme littérature qui a tenté d'expliquer la singularité de la shoah, je pense en particulier à Hannah Arendt et à Primo Levi pour ne citer qu'eux, j'ai été un peu surpris que l'auteure se soit ici attardée presque uniquement sur le témoignage de Rudolf Höss (au détriment, par ex. de Eichmann).
Mais ma déception fondamentale vient du dernier ch., "La société perverse", qui devait donner le cadre contemporain. L'auteure dit, après une INTERMINABLE digression (30 p.) principalement consacrée à la zoophilie (alias bestialité) :
"Si la société industrielle et technologique d'aujourd'hui tend à devenir perverse tantôt par la fétichisation pornographique des corps, tantôt à travers le discours médical puritain qui abolit la notion de perversion, tantôt encore par l'élaboration de thèses insensées sur les relations entre l'homme et l'animal, il reste à identifier qui sont désormais les pervers, où commence la perversion et quelles sont les grandes composantes du discours pervers d'aujourd'hui." (p. 198) A cette question fondamentale et initiale, elle ne fournit pas de réponse. Dès lors, des divagations sur l'institutionnalisation de toute pratique sexuelle (perverse ?) entre adultes consentants, sur la pédophilie, sur le terrorisme (eh oui, lui aussi !), sur le transsexualisme (là aussi, l'inclusion sub specie de "perversion" me semble tout autant sujette à caution) paraissent être à minima un capharnaüm, mais peut-être même une confusion d'espèces tendancieuse.

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