Qu'est-ce qui attire tant les amateurs de romans noirs (et je m'inclue dans cette catégorie) vers ces lectures a priori déprimantes et angoissantes ?
Quel plaisir trouve-t-on dans ces récits souvent violents, parfois sanglants, qui mettent en lumière la part obscure des individus ?
Qu'est-ce qui est à l'origine de ce besoin de frisson ?
Est-ce une sorte d'exutoire que l'on recherche dans ces lectures, une façon de se colleter avec l'horreur sans risque, sous le prétexte qu'il ne s'agit là que de fiction ?
Ou bien reconnaît-on dans la description des mauvais penchants de l'homme les fantasmes de violence, voire de cruauté, enfouis en nous ?
En tous cas, moi je me laisse prendre à chaque fois : rien de tel qu'une atmosphère glauque, oppressante, des personnages malsains, et une action au rythme soutenu pour me tenir en haleine jusqu'aux premières lueurs de l'aube...
... et ce n'est pas d'avoir lu "Les rois écarlates", de Tim Willocks, qui me fera changer d'avis !
Nous y retrouvons le docteur Cicero Grimes, l'un des personnages dont nous avions fait la connaissance dans "Bad City Blues", précédent roman de l'auteur, dont "Les rois écarlates" sont la suite. A l'issue de son affrontement avec le terrible capitaine de police Clarence Jefferson, Cicero est au début de cet opus en pleine dépression. Terré dans la caserne de pompiers qu'il a reconverti en logement, et où il exerce habituellement son activité de psychiatre, il passe ses journées à dormir au milieu de ses ordures.
C'est une lettre qui va le sortir de sa léthargie... Rédigée par Clarence Jefferson, elle invite Cicero à partir à la recherche de deux valises dans lesquelles le capitaine a dissimulé les preuves accablantes de la corruption ou de la perversité de nombreuses sommités, notamment politiques, le but étant ensuite de produire ces documents compromettants auprès des médias.
Lenna Parillaud a reçu elle aussi une lettre de Clarence. Elle met cette richissime veuve dans tous ses états, et la place sur le chemin du docteur Grimes.
Ensuite, les événements s'enchaînent jusqu'au final sans aucun temps mort...
La force des romans de Tim Willocks réside en grande partie dans ses personnages charismatiques et atypiques. Ils donnent l'impression de vivre dans un monde parallèle où le bonheur ne peut pas les atteindre, et de subir d'insondables tourments liés aux événements souvent terribles qu'ils ont subis, mais pas seulement. En effet, leurs pires souffrances semblent leur être infligées par eux-mêmes : culpabilité, dégoût face aux bas instincts qu'ils devinent abriter... L'auteur joue beaucoup sur l'ambivalence de leurs personnalités et de leurs sentiments, et sur l'interversion des rôles entre victimes et bourreaux.
En plus d'être noirs, ses romans sont donc particulièrement troublants, à l'image des relations qu'entretiennent entre eux leurs protagonistes : la haine y côtoie le respect, voire la compassion, et l'affection s'y manifeste sous des formes parfois surprenantes.
Et attention à vous, chers lecteurs : Tim Willocks prendra un malin plaisir à vous rappeler que la cruauté n'est pas l'apanage des psychopathes, tout comme il risque bien de vous maintenir éveillés jusqu'à la dernière page de ses "Rois écarlates".
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