Au départ, il y a le désir d'un père désorienté qui veut se réconcilier avec la vie, et avec son fils. Jim décide donc de plaquer son existence trop morne et dissolue et d'emmener son fils de 13 ans, Roy, vivre un an sur une île sauvage d'Alaska, façon trappeur : une cabane, des outils, quelques provisions, des armes... Jouer aux Robinson volontaires. Pour quoi ? Pour un nouveau départ, pour découvrir et apprendre ensemble, pour renouer avec ce garçon qu'il connaît si mal.
Ils sont donc seuls, Jim et Roy, éloignés de tout être vivant, au milieu de la nature, superbe et inquiétante. Ils construisent un abri pour le bois, chassent, pêchent, explorent l'île, se perdent... Ils se cherchent, s'affrontent, s'engueulent, se comprennent, s'apprivoisent... Mais très vite la situation se détraque et ce qui pouvait ressembler à une belle aventure se transforme en quelque chose d'inquiétant : le père, qui pensait solder dans la solitude arctique ses échecs sentimentaux et professionnels, sanglote la nuit, et le fils, très vite, regrette sa chambre douillette, sa mère et sa sœur, supporte mal la rigueur de cette vie et son père défaillant, et ne se sent plus exister... Le huis clos entre père et fils devient obsédant et toxique, la relation entre eux se désagrège, mais la profonde dépression dans laquelle se noie Jim, sa détresse patente, son extraordinaire égoïsme, sa lâcheté inouïe, le rendent inapte à toute décision rationnelle, interdisent tout retour en arrière, jusqu'au drame : un geste désespéré, une rédemption impossible...
Un style brut, dont les phrases sobres contrastent avec la nébuleuse psychologique du père et les ténèbres du décor, une angoisse sourde qui va crescendo, un récit où, en permanence, on est dans l'attente d'événements dévastateurs, pour, à l'arrivée, roman noir, intense, violent, déroutant, troublant, émouvant, captivant, haletant, suffoquant, écœurant : tout bonnement sidérant ! Et qui vous marquera longtemps...
le cri du lézard