Pour avoir lu « La petite fille qui aimait trop les allumettes », j’étais vigilante : je savais Gaëtan Soucy capable de me surprendre à tout moment, de faire subir à son récit un brutal revirement, de lui donner une perspective nouvelle à quelques pages de la fin, de le plonger subitement dans l’horreur…
« L’acquittement » comporte bien lui aussi sa part de mystère : ce roman met en scène Louis, un organiste et compositeur depuis peu en mal d’inspiration, pour une raison que l’on ignore. Au début du récit, il se rend dans le village de Saint Aldor, afin d’y rencontrer les Von Croft, qu’il n’a pas vus depuis 20 ans, « pour des raisons personnelles ».
On comprend aussi que la femme de Louis, Françoise, est gravement malade, sans en savoir plus. Elle évoque, dans une lettre qu’elle a rédigée à l’attention de son époux, et que ce dernier a rangée dans ses bagages, plusieurs autres points obscurs pour le lecteur.
Lorsque Louis parvient chez les Von Croft, Saint Aldor est en ébullition : la fille du bedeau a disparu, et la quasi-totalité du village participe aux recherches.
Voilà qui promettait ! Quel allait être le résultat de la confluence de tous ces éléments énigmatiques ? Quelle réponse inattendue allait bien pouvoir apporter l’auteur aux multiples questions qu’il me faisait me poser ?
J’ai bien reconnu dans « L’acquittement » l’empreinte de Gaëtan Soucy : il instille à son récit des petites touches d’étrangeté, de furtives anomalies qui interpellent le lecteur sans toutefois lui donner de véritable piste quant au fin mot de l’histoire. On ne sait pas ce qui est vrai ou faux, on a du mal à distinguer la part d’affabulation de celle du réel. Et j’y ai retrouvé aussi cette impression d’être parfois hors du temps ; bien que certains faits placent le contexte du roman juste après la 2nde guerre mondiale, d’autres éléments revêtent un caractère intemporel, voire ancien (à vrai dire, je n’ai pas d’exemple qui me vienne à l’esprit, mais plutôt le souvenir d’une vague sensation).
En revanche, il n’y a pas dans « L’acquittement » de brusque révélation nous obligeant à reconsidérer toute l’histoire sous un autre angle, mais seulement des indices suffisamment étranges pour nous laisser en proie à de nombreuses questions, laissant le choix de diverses interprétations…
Il m’a plu en ce qui me concerne d’y voir l’histoire d’un homme qui, incapable d’assumer la réalité de l’ignominie humaine, en devenait fou, à peine capable de supporter sa propre humanité, ses propres faiblesses.
Je dois bien avouer que je me suis sentie un peu frustrée… j’admets cependant qu’après avoir écrit un ovni tel que « La petite fille qui aimait trop les allumettes », il est sans doute difficile de renouveler l’exploit ! (1)
(1) Bon, après une petite vérification, j'apporte ici un rectificatif : Gaëtan Soucy a écrit "L'acquittement" avant "La petite fille...". Donc, tout est ma faute, j'aurais dû les lire dans l'ordre inverse !
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