Sol, Randall, Sadie, Kristina. Sol est le fils de Randall qui est le fils de Sadie qui est la fille de Kristina. 4 générations et 4 récits faits par chacun à l'âge de 6 ans. Cela commence par le "petit dernier", Sol, pour remonter jusqu'à son arrière grand-mère, Kristina qui a aussi un autre nom, "Erra", dont nous apprendrons l'origine à la fin du livre. Nancy Huston nous surprend une fois de plus en nous racontant l'histoire de cette famille "à l'envers" et par la vision qu'en ont les enfants. Cette histoire, on s'en doute en lisant le titre du livre, n'est pas sans failles, sans fractures, sans déchirements mais pas sans éclats de bonheur non plus.
Ceux qui connaissent l'oeuvre de l'écrivaine y percevront sans doute les échos de plusieurs de ses précédents romans : La virevolte, L'empreinte de l'ange, Prodige, notamment, trois livres que, personnellement, j'ai adorés. Comment se fait-il que ce livre-ci m'ait moins touché que ceux-là ? C'est difficile à dire. Par sa construction, son ampleur, il semble pourtant plus abouti. Mais du coup la tension et l'urgence que l'on percevait dans ces livres est sans doute plus diluée dans "Lignes de faille". Les mots ou réflexions d'enfants, les histoires, drôles ou pas, juives ou pas, sont moins percutantes. De plus, cette narration à rebrousse-temps, si elle nous amène peu à peu vers le récit le plus poignant du livre, celui de Kristina, nous prive de certaines clés pour mieux rentrer dans les récits précédents qui, en particulier pour les 2 premiers, ceux de Sol et de Rendall, m'ont paru manquer de ressort dramatique - ressort qui ne se met vraiment en place qu'à la toute fin du récit de Sadie, la fille de Kristina. Une deuxième lecture semble nécessaire pour que tout se mette en place. Peut-être est-ce voulu par l'auteur mais ça m'a semblé un obstacle à la première lecture. Enfin, dernière explication possible à ma légère déception, le côté "artiste caché dans sa toile" qui est peu ou prou toujours présent dans l'oeuvre de NH, est ici moins évident (*) et c'est une chose qui m'a manqué.
Toutefois, ces critiques n'empêchent pas que ce livre est un très bon roman, qui aborde le thème douloureux des "lebensborn" nazis. Et qui bien-sûr nous parle aussi de nous-mêmes, enfants que nous fûmes ou parents que nous sommes devenus ... sans étouffer la voix de l'enfance.
(*) je ne veux pas parler uniquement des éléments autobiographiques qui, comme dans d'autres livres de NH, sont ici présents (par exemple le coup du bol de céréales à l'arrivée chez Greta est tiré d'un épisode de la vie de NH qu'elle a elle-même raconté dans un des textes de "Désirs et réalités" si mes souvenirs sont bons). Je pense plutôt à ce jeu de miroir entre l'écrivain et son oeuvre, ce caractère auto-référenciel qui est particulièrement sensible dans Les variations Goldberg, Histoire d'Omaya, Cantique des plaines, Une adoration et d'une façon plus explicite encore dans Instruments des ténèbres.
Edit (31/10/06) : Nancy Huston s'est vue attribuer hier le prix Fémina pour ce roman. Bravo, Nancy ! :D
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