Anticipation ? Science-fiction ? Parodie ?
Ce "meilleur des mondes" est celui d'un futur où l'homme est fabriqué de façon industrielle à partir de savantes manipulations génétiques. Ainsi, chaque individu est conditionné afin d'appartenir à une caste bien déterminée, programmé pour accomplir certaines tâches, et surtout se satisfaire de son sort, n’éprouver aucun élan vindicatif. La main d’oeuvre étant ainsi conçue en fonction des besoins, le chômage a disparu.
Tout lien affectif ou familial a été banni, la notion même de parents étant devenue taboue. La religion, l’art, la culture, le goût de la nature, faisant appel à la sensibilité et n’ayant aucune utilité commerciale, ont été éliminés également. Seul est établi comme valeur reconnue le génie de Ford, fondateur de cette nouvelle ère (référence à Henry Ford, père de la taylorisation, qui a permis la production en masse d’un grand nombre de véhicules, principe appliqué ici aux êtres humains).
Les besoins matériels sont, eux, satisfaits immédiatement, et les relations sexuelles, encouragées dès le plus jeune âge, pratiquées avec de multiples partenaires, ne le sont jamais dans le but de procréer.
Les avancées scientifiques ont permis d’éradiquer les maladies, la vieillesse et la laideur.
Un monde parfait, donc ?
Pas pour Bernard Marx, en tout cas, qu’un disfonctionnement lors de sa « conception » a rendu plus petit, mais aussi plus sensible et objectif que les autres membres de sa caste, et que cette société qui considère les hommes comme « des morceaux de viande » déprime de plus en plus. Et peut-être pas non plus pour les quelques « sauvages » qui vivent encore comme avant « l’ère Ford », et qui sont désormais parqués dans des réserves visitées par les touristes en quête de curiosités.
Roman écrit avant la 2nde guerre mondiale, il est surprenant de voir la portée qu’il peut avoir aujourd’hui encore, et son actualité par rapport à des maux comme le consumérisme grandissant ou l’extension de l’hégémonie du capitalisme. La façon, même, de conditionner les personnes avec la répétition incessante de messages diffusés pendant leur sommeil, n’est pas sans évoquer des slogans publicitaires, et l’uniformisation de la pensée par le biais des médias, qui imposent insidieusement aux masses les mêmes besoins.
A.Huxley met en garde contre l’illusion qui consiste à croire que le progrès scientifique et technologique serait la clé du bonheur. Il nous démontre qu’il ne pourrait l’être qu’à condition que l’homme renie sa nature, son individualité. Et même alors, peut-on parler de bonheur ? Les êtres de ce monde sont fades, sans passion, et on décèle parfois un malaise perçant la surface de leur perfection artificielle, qu’ils étouffent rapidement par l’absorption de substances euphorisantes, distribuées généreusement par les autorités !
Dans quelle mesure ce « meilleur des mondes » s’inspire-t-il du nôtre ? Au lecteur de juger, et de comprendre que l’auteur nous invite à rester vigilants vis-à-vis de toute forme d’aliénation de la liberté individuelle…
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