C’est à un singulier périple que nous convie François Sureau avec « L’obéissance » : nous sommes en 1918, sur le front du Nord-Est, les combats font rage, et la justice belge, afin de pouvoir étêter un condamné à mort, demande à la France de lui prêter une guillotine et un bourreau. Anatole Deibler, bourreau de Paris, est désigné pour mener à bien cette mission. C’est donc un bien étrange cortège qui va traverser le front afin d’acheminer en Belgique les « bois de justice » : le bourreau et ses aides, protégés par une escorte formée du capitaine Loth, un ex aviateur défiguré à la suite d’un crash, du lieutenant Verbrugge, légionnaire manchot, et de trois soldats.
Je suis sortie de cette lecture avec la même déception que celle ressentie à l’encontre de «La vague», de Todd Strasser. Voilà un sujet prometteur, original, qui suscite l’espoir d’une intéressante analyse des mécanismes qui poussent les individus à obéir aux ordres en dépit de leur absurdité… et au lieu de cela, l’auteur nous offre surtout une description de la progression du bourreau et de son escorte vers le lieu de l’exécution.
Ceci dit, Attention !, je ne voudrais pas paraître injuste envers François Sureau : la comparaison avec le roman de T.Strasser s’arrête là. En effet, «L’obéissance» recèle des qualités littéraires indéniables. L’auteur décompose son récit en de courts paragraphes, tantôt épistolaires, tantôt narratifs, et donne ainsi la parole alternativement aux différents protagonistes, utilisant à chaque fois un ton et un point de vue adaptés à la condition sociale de ces derniers. Les uns font part de leur mépris pour la bureaucratie, les autres conspuent la religion, les hommes d’armes expriment leur haine des hypocrites bourgeois, qui plébiscitent la guerre mais ne la font pas. Tout ceci exprime bien, certes, l’absurdité de la situation, mais n’explique pas comment les hommes en viennent tout de même à respecter les exigences de leurs hiérarchies. Et pourtant, c’est un vaste débat qui mériterait que l’on s’y attarde…
En conclusion, disons que j’ai été déçue par le fond, mais que j’ai apprécié la forme !
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