Emma, cinquantenaire divorcée et milanaise romantique, fatiguée de sa vie trépidante d'interprète, hérite d'une papeterie de quartier qu'elle transforme en une librairie exclusivement dédiée aux romans d'amour. Un jour, un billet glissé dans un volume, un numéro de téléphone et un prénom : Federico. Federico, son amour de jeunesse... Elle l'appelle, il répond, ils se voient, et malgré les trente ans de séparation, tout paraît simple entre eux. Évident. Si ce n'est que Federico vit à présent à New York, où il est architecte, marié et père d'une adolescente. S'ensuit une relation épistolaire d'un côté à l'autre de l'Atlantique... Et nous voici embarqués dans un roman... d'amoûûûr !
Hélas ! Cette relation à distance par lettres interposées sonne indubitablement faux. En effet certaines lettres de Federico s'apparentent plus à des cours magistraux d'architecture qu'à des missives d'amoureux. Et dans celles d'Emma, le recours systématique aux références littéraires est parfois bien maladroit. De plus, après leur première escapade à Belle-Ile-en-Mer, les lettres deviennent répétitives, l'histoire stagne, s'essouffle, jusqu'au revirement final, tout de même attendrissant.
Toutefois, entre les missives échangées, se glissent des parties narratives : les monologues intérieurs d'Emma qui raconte son métier, ses amis, son fils et surtout, sa librairie ! Les scènes de vie dans la librairie (ses employés, ses fidèles lecteurs, ses voisins, et tous les micro-événements qui occupent une journée) sont sans contexte le sujet le plus attachant de ce roman. Car la librairie d'Emma n'est pas une librairie comme les autres, sa librairie, c'est bien plus qu'une librairie ! C'est un cocon, un lieu intimiste, chaleureux, douillet, où on peut prendre son temps sans être harcelé par un vendeur car la personne qui entre n'est pas considérée comme un "client" mais comme un "lecteur". Un lieu privilégié où l'on peut se pelotonner dans un vieux fauteuil pour déguster quelques pages et un thé... Et puis, quel bonheur de fureter dans ses rayons aux noms évocateurs :
« Brèves amours » pour le rayon consacré aux nouvelles,
« Così fan tutti » pour les livres érotiques,
« Amours du jour » pour les nouveautés, ou encore
« Maintenant et pour l'éternité »,
« Cœurs brisés »,
« Missions impossibles »... Oui, une belle invention que cette libraire-là ! On souhaiterait qu'elle existe vraiment !
Re-hélas ! Alors qu'Emma dit mépriser la course au profit et fustige le marketing et ses dérives, elle transforme petit à petit son lieu de paix en vulgaire "concept store" où elle vend des DVD et des magnets, des fleurs et des parfums... Elle cède ainsi bien facilement aux sirènes du "merchandising" qu'elle décrie pourtant avec verve dans tout le roman ! Et puis, la "succes story" conte de fée de sa librairie-auberge-hôtel, franchement, on peine à y croire, c'est "too much" !
Enfin, pour finir sur une petite touche plus positive, il est agréable de se balader entre ces pages de Milan à New York en passant par Belle-Ile-en-Mer...
Un roman inégal donc, mais sympathique.
le cri du lézard