Un écrivain sud-africain vieillissant mais qui vit en Australie est mandé par un éditeur allemand pour écrire sur des sujets à sa convenance. Cet écrivain , qui ressemble diablement à JM Coetzee, fait taper ses textes par une jeune philippine délurée qu'il a rencontrée dans son immeuble. Le nouveau livre de Coetzee est un ovni littéraire qui joue sur plusieurs niveaux de compréhension. Les pages du roman (car c'est un roman) sont divisées comme une partition musicale en plusieurs portées .
Nous lisons ainsi les propos destinés à l'éditeur allemand, puis en dessous sur la même page les refléxions personelles de l'auteur qui succombe fréquemment à la concupiscence en présence de sa belle dactylo philippine, puis tout en bas les propres réfléxions de Anya sur son travail, sur son employeur d'écrivain...Voilà pour la forme. Quant au fond... c'est du grand Coetzee. Les propos que l'auteur prète à son alter égo du roman pourraient sans problèmes être avalisés par lui. Coetzee se délecte de sujets polémiques tels l'intervention américaine en Irak, la pédophilie,la notion d'état,Guantanamo et la torture, la souffrance infligéee aux animaux... La tonalité de ces propos est fortemment désanchantée. Coetzee joue les sophistes,manie en virtuose le paradoxe et sape toute certitude. L 'irrémédiable voyage vers la mort rythme tous ces commentaires et seule la musique, et surtout JS Bach permet ,arrivé au bout du chemin, de continuer encore un peu...JS Bach meilleur remède contre le nihilisme !
L'entremèlement des points de vue apporte d'autres éclairages sur le roman. Anya vit avec Alan, un australien caricatural , jeune, beau,sportif,sans problèmes de conscience, qui représente l'opposé exact du monde de Coetzee (enfin de son alter égo dans le roman). Le monde d'Allan c'est la mondialisation heureuse ou règne la dictature de l'argent et de l'apparence...
Un monde dont toute idée du tragique est évacuée et qui ne survit qu'en se précipitant toujours plus vite,toujours plus "performant" vers sa fin annoncée.
Partagée entre Allan et son vieil écrivain un peu libidineux, Anya d'abord agaçée par le vieil homme, se détournera de son amant trop parfait pour laisser parler sa compassion envers cet homme seul qui abandonnera ses idées de luxure pour une amitié sincère et touchante.
Roman riche et, comme souvent avec Coetzee, d'une compléxité énigmatique ... Il réjouira (moi !) ou agacera profondément...
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