Ce livre de Michel del Castillo sur les 36 années que dura le règne du caudillo va en irriter plus d'un(e)... j'y reviendrai.

Michel del Castillo ne fait pas oeuvre d'historien,il le dit lui même,il se contente de reprendre les livres qui ont été écrits sur le sujet par des historiens et des universitaires (Bennassar,Preston,Hermet, Beevor...). De ces nombreuses lectures l'auteur en construit un récit qui mêle habilement les faits indubitables et ses souvenirs personnels (il avait 6 ans lorsque sa mère et lui fuirent une Madrid en proie au chaos). Loin de reprendre les thèses classiques qui expliquent la guerre civile espagnole par l'agression caractérisée d'une vaillante république démocratiquement élue par d'affreux nationalistes fascistes Michel del Castillo gratte la crôute des idées reçues,décape les mythes, éradique les faux-semblants pour ne garder que les faits bruts dégagés de toute pacotille idéaliste. Deux exemples:

1)La doxa généralement admise dit que la république fut agréssée par les nationalistes et,donc , que ce fut bien Franco et les siens qui se mirent hors la loi. Faux nous dit Del Castillo. Au moment du "golpe" nationaliste la république était inexistante ; le Frente popular avait ouvert la boite de Pandore aux diverses milices des partis et la république en tant que système de gouvernement était déjà morte.

2)Franco était un fasciste; Faux nous dit encore Del Castillo ; tout bonnement un fiéffé réactionnaire nationaliste et cul-bénit dont l'ordre,l'Espagne,l'armée, tenait lieu d'idéologie; Le fascisme il faut le rechercher dans la Phalange (et dont Franco se méfiera toute sa vie).

Voilà pourquoi j'écrivais au début que ce livre pourrait faire grincer quelques dents (enfin en irriter certains...); Et pourtant nul ne peut soupçonner Michel del Castillo d'avoir la moindre complaisance envers ces idéologies mortifères, lui qui en souffrit dans sa chair et dans son âme. Tout simplement ,l'age aidant,il juge qu il est temps de se désiller le regard que nous portons sur cette période de l'histoire espagnole. Il ne nie pas les massacres épouvantables et la répréssion aveugle que commirent les troupes nationalistes, mais il fait remarquer que du côté républicains c'était guère mieux et il nous narre les expéditions des "tchékas" communistes à Madrid responsables de milliers de morts (Paracuellos). Alors bien sûr pendant longtemps ,et surtout en France, il était admis que les bons c'était les républicains et les méchants les nationalistes de l'affreux "fasciste" Franco. Hélas,hélas (et ceux que l'Histoire passionne ne me contrediront pas), rien n'est simple dans la "vraie vie", et le manichéisme n'est pas de mise dès lors que l'on creuse un peu sous les mythes et les légendes. Michel del Castillo qui vécu longtemps en Espagne nous fait remarquer que nonobstant l'omniprésence des forces de l'ordre, Franco n'aurait pu se maintenir aussi longtemps au pouvoir sans une adhésion certaine d'une grande partie des espagnols ; ses voyages dans les provinces étaient l'occasion de liesse populaire . (mais Pétain aussi fut ovationné en 1945, à Paris, juste avant son départ dans les fourgons de l'armée allemande pour Sigmaringen...).
Enfin une remarque qui laisse songeur (et qui devrait "interpeller" les irréductibles pourfendeurs du "fascisme"...), Franco ne fut jamais antisémite. Il n'y aucune chasse aux juifs en Espagne (enfin sous Franco parce que du temps d'Isabelle la catholique....). Et pendant ce temps notre gouvernement de Vichy s'empréssait d'édicter des lois anti-juives....

Bon j'arrète là parce que je sens que d'aucuns ont peut-être déjà les doigts qui les démangent ,prêt à se ruer sur leur clavier d'ordi....Alors je leur dit tout net : non Amiread n'a pas viré facho, ni même viré à droite d'ailleurs !! d'ailleurs ce livre de Del Castillo qui pourrait faire penser que les esprits se sont apaisés en Espagne est trompeur. Allez faire un tour sur You tube et tapez "Franco+caudillo" et là vous verrez surgir de belles et interessantes vidéos...certaines de l'époque très interessantes, et d'autres plus récentes (par exemple des défilés de la Légion) dont les commentaires vous éclaireront sur la pérennité des idées des défenseurs de l'ordre; j'en ai relevé un (commentaire) sous une vidéo de la Légion (que commendait Franco à l'époque).

" viva Espana,arriba Espana,viva la legion,viva Cristo Rey,comunistashijos de puta,independantistas de mierda,antiespanoles sacos de mierda. cobardes ya me gustaria verlos....." Pas besoin de lire Cervantes dans le texte pour savourer cette prose... et le juge Garzon qui veut initier une plainte pour crime contre l'humanité relative aux découvertes des charniers nationalistes en Andalousie .... tout cela ne sent pas trop l'apaisement n'est-ce-pas ??

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Les doigts me démangent... mais dans le bon sens.
Merci pour cette note de lecture qui remet certaines pendules à l'heure.
La Guerre Civile espagnole était bien une guerre civile, et non une révolution, ou une rébellion de l'armée.
Depuis des années le climat politique était très troublé en Espagne.
Des morts, il y en a eu dans les deux "bandos". Dans certains villages, quasiment tous les hommes ont été tués. D'abord les "fachas" par les "rojos", puis les "rojos" par les "fachas". Des familles entières ont été ainsi exterminées.
Oui, Franco était un dictateur, qui a pris le pouvoir après un coup d'état militaire ("el glorioso alzamiento"). Jamais il n'aurait pu se maintenir aussi longtemps à la tête de l'Espagne s'il n'avait pas eu un soutien important de la part d'une majorité de la population.
Les indépendentistes violents ont toujours été une plaie pour le pays, ils le sont encore...
Les anarchistes n'étaient pas des petits anges, et il y a eu des attentats sanglants pendant la république, à Barcelone entre autres.
Alors....
J'avais 10 ans quand Franco est mort. Autant dire que je m'en souviens bien! De l'ambiance de fête à la maison... et des queues interminables du peuple espagnol qui défilait devant son cadavre exposé à "la capilla ardiente", pendant des jours et des nuits.
Je me souviens aussi des rassemblements organisés par les réactionnaires pour les anniversaires de sa mort, sur la plaza de Oriente. Il y avait du monde!!!!
Et comme tu le dis si bien, amiread, aucun train ou bateau de juifs n'est parti vers les camps de concentration depuis l'Espagne... (alors qu'en Italie, ou en France, n'est-ce-pas....)

Alors.... quoi faire? Je pense qu'il faut laisser les morts où ils sont. Reconnaitre que les deux "bandos" ont commis des atrocités. Et laisser les morts reposer en paix.

tout le monde a entendu parler de Guernica.
Mais qui connait Belchite? Cette petite ville aragonaise a été transformée en un champ de ruines. Elle a été reconstruite un peu plus loin, et si jamais vous passez dans le coin, la visite des ruines, le monument aux morts, vous glacent le sang (voici le lien, vous pouvez aussi googler... http://www.la-guerre-d-espagne.net/guernica.htm)
C'est désolant.
Alors.... rien n'est jamais tout noir ou tout blanc. Et pour continuer à vivre ensemble, il faut être capable de pardonner, et d'arrêter de fouiller la merde, d'arrêter de remettre les plaies à vif.

Merci Brujula de ta réponse. En fait tu es celle dont j'espérais le plus un avis sur ce livre puisque tu es à moitié espagnole! c'est vrai que j'ai une vraie passion pour l'histoire espagnole, je pense la connaitre assez bien même si je suis ,de par mes origines absolument aux antipodes du sud. Bien.
Le mythe du "vaillant Frente popular" agréssé par les sauvages nationalistes a fait beaucoup de mal à la compréhension de l'Histoire. Les brigades internationnales,Malraux et son escadrille , Hemingway,Gerda Taro,Robert Capa.... c'est plus ...médiatique et politiquement correct que les massacres de Queipo de Llano à Séville,les vélléités sociales du fondateur de la Phalange, José Antonio de Primera ,la défense de l'Alcazar de Tolède ou le conservatisme corporatiste et religieux des "requetes" carlistes....

Bien sur il n'est pas question de nier les massacres et de réecrire l'histoire, juste laisser errer un regard équanime sur cette période de troubles et de massacres.
Les dernieres phrases de ton post c'est exactement ce que je pense (et pourraient s'appliquer à la France...).

Pour avoir une idée de la terreur qu'a déclanchée la guerre civile sur beaucoup d'espagnols (et qui n'avaient pas forcément des opinions "de gauche" ) il y a un livre extraordinaire de J. Torbado et M. Leguineche: Les taupes. Des centaines d'espagnols pour éviter la répréssion nationaliste se sont cachés, certains pendant 30 ans jusqu'à la mort de franco. Certains ont vécus toutes ces années simplement cachés dans le grenier de leur maison , d'autres dans des grottes ou des fermes isolées...Les auteurs racontent qu'ils ont en même découverts après 1975 et qui n'étaient pas encore avertis du décés de Franco. Poignant.