« Ash and bone », paru en 2005 est traduit en 2006 sous le titre
« De cendre et d’os ». Le titre français apporte une dimension épique et tragique au roman noir de John Harvey, auteur britannique prolifique né en 1938. Cette 2e aventure de l’inspecteur de police démissionnaire Frank Elder se situe entre
« De chair et de sang » et
« D’ombre et de lumière ». Si chaque roman se lit indépendamment, les rapports humains prennent davantage de sens et de relief si le lecteur respecte l’ordre de parution des trois histoires.
« De cendre et d’os » va délivrer sa signification brutale à la fin du récit, au détour d’une phrase presque banale, comme la constatation clinique, froide et tranchante d’une abomination sans nom.
Frank Elder vit retiré en Cornouailles, loin de l’agitation et de la fureur des villes. Âgée de dix-sept ans, sa fille Katherine, traumatisée par la séquestration et le viol subis un an auparavant et relatés dans
« De chair et de sang », refuse de communiquer avec lui. Elle fréquente un dealer et se fait interpeller en possession d’héroïne par des policiers ripoux. La culpabilité taraude Frank Elder car le violeur de sa fille était le criminel qu’il traquait. Il aime sa fille et ne sait comment lui dire. Il voudrait bien la remettre sur les bons « rails », à savoir études, sport, vie de famille... Parallèlement, le sergent Maddy Birch est mêlée à l’arrestation sanglante d’un truand. Paul Draper, collègue de Maddy, est tué sous ses yeux lors de la fusillade. Le commissaire Mallory et son adjoint Repton semblent mener une danse macabre dans l’ombre. Quelle est l’implication de Mallory dans la liquidation du bandit ? Ce dernier était-il armé ? Est-ce une exécution pure et simple, un règlement de compte ? La police des polices va enquêter mais entre-temps Maddy Birch se sent suivie, espionnée. Son appartement semble visité mais elle n’est sûre de rien. Elle est retrouvée peu de temps après violée, lacérée, assassinée. Frank Elder reprend temporairement du service car il connaissait Maddy. Un besoin commun et des circonstances favorables les avaient rapprochés fugitivement un soir de solitude.
L’histoire est savamment architecturée. Frank Elder constitue le pivot des différentes affaires menées de front. Le style limpide et concis de l’auteur rend la lecture aisée et fluide. Aucune esbroufe mais une certaine lenteur caractérise le cheminement des enquêtes parallèles. Aucun ennui ne menace. Bien au contraire, le plaisir de lecture est sans cesse avivé. Les seconds rôles ont de la consistance. Les personnages principaux ont de l’étoffe. Ils dégagent une véritable humanité à l’image de Frank Elder, désabusé, désorienté mais jamais totalement vaincu. On peut juste constater que les méchants ont l’art de s’immiscer dans l’intimité de leurs proies, de pénétrer leurs maisons et leurs chairs. Véritables démons dénués de scrupule, ils exécutent leurs basses œuvres avec aisance, célérité et dextérité. Pris la main dans le sac, ils nient jusqu’au bout, lestés d’un aplomb impensable. Avec les romans de John Harvey, on n’évolue pas seulement sur une partition de jazz dans une Angleterre contemporaine affairiste et sans illusion. On côtoie aussi des monstres sans foi ni loi sous des apparences ordinaires, cordiales voire avenantes et que rien ne semble effrayer.
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