Comment exprimer en forme romanesque, et de surcroît quand l'on n'est pas un chercheur ni (même) un journaliste et que l'on vit dans un autre pays, l'une des problématique les plus saillantes d'une époque, avec autant de finesse, de précision documentaire, de sagesse humaine, d'intelligence des détails...
Histoire spéculaire de deux voyages migratoires qui se croisent. Idée géniale que la détresse, au-delà d'un certain seuil, est contagieuse et peut faire basculer la vie de quelqu'un qui se trouve habituellement du côté du pouvoir et de la sanction. Style admirable de concision, où chaque mot semble profondément juste, de sorte qu'il n'y en a pas un seul de trop.
Face à ce roman mémorable, qui d'après moi restera pour la postérité comme le premier chef-d'oeuvre de la littérature française du XXIe siècle, les autres livres de Gaudé pâlissent pitoyablement, y compris le fameux Soleil des Scorta, qui contient pourtant de belles pages, mais aussi de sacré longueurs et quelques vilains lieux communs sur les Pouilles.
Quelle coincidence pourtant que d'avoir successivement situé deux romans dans le sud de l'Italie et surtout autour d'une migration ou de multiples migrations. Une idée qui commence à faire son chemin parmi certains Italiens éclairés (cf. Gian Antonio Stella de L'Orda, et, en milieu universitaire, ceux qui comme Armando Gnisci nous occupons de littérature migrante italienne), c'est qu'il faille réunir sous une même interrogation (psyco-socioanalytique) l'émigration de jadis et l'immigration d'aujourd'hui... D'où en a-t-il eu vent, notre Laurent Gaudé? J'aurais voulu le lui demander personnellement, mais l'occasion a failli de peu (à moins que...).
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