L’Heure du roi est un conte, une parabole exemplaire sur la responsabilité individuelle face aux
événements collectifs, une illustration rigoureuse de l’exergue, tiré du Sentiment tragique de la
vie de Miguel de Unamuno, que Khazanov a donné à son livre : « Quelle est donc cette nouvelle mission de Don Quichotte dans le monde moderne ? Son lot est de crier dans le désert. Et Il l’entendra, même si les hommes ne l’écoutent pas ; un jour, le désert se mettra à parler, comme une forêt : pareille à un grain semé, la voix solitaire deviendra titanesque, et mille voix chanteront la gloire éternelle du Maître de la vie et de la mort ». Dans le royaume ancestral et glacé de Cédric X, les traditions et coutumes sont immuables, notamment celle que l’on nomme « l’heure du roi », au cours de laquelle le souverain, monté sur son cheval blanc, franchit la grille du château, fait le tour de la ville en saluant ses sujets, puis réintègre sa demeure. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, le Grand Reich envahit une multitude de pays. Vient le tour du royaume miniature. Le roi subit le joug de l’envahisseur, voit s’amenuiser la liberté, le sens de ce qui a constitué sa propre vie, mais également celle de sa lignée, qui remonte loin dans les brumes du temps. Longtemps, lui et son pays vont accepter l’humiliation, courber l’échine, jusqu’au jour où dans la petite nation, aussi, les juifs seront tenus d’arborer l’étoile jaune. D’aucuns, à la lecture, ont établi un parallèle certain avec l’oeuvre d’Ismaïl Kadaré. « Le cours des événements, pas plus que le mouvement des astres ne dépend de quiconque, bien sûr. Sommes-nous pour autant impuissants devant cet ultimatum permanent ? L’impuissance nous décharge de notre responsabilité, mais envers qui ? Envers les autres ; mais nullement envers nous-même ». |