Le personnage principal de ce roman est une jeune femme née dans une famille traditionnelle d?Alep. Elle a passé toute son enfance et son adolescence auprès de ses trois tantes, dans un quartier de la vieille ville. Cloîtrées à la maison, celles-ci ne la quittent qu?une seule fois par semaine, sous leur hijab intégral, pour se rendre au hammam. Quant à elle, la narratrice, si elle est autorisée à sortir, c?est seulement pour faire l?aller et retour entre la maison et l?école. Devenue lycéenne, elle se lie à des militantes islamistes et finit par adhérer à leur organisation. Mais en échappant à la prison familiale, avec son conservatisme rigide et ses occupations futiles, elle entre de plain-pied dans une autre réalité, où la haine marque chaque geste de la vie quotidienne. Se donnant désormais pour mission d?exécuter la volonté de Dieu sur terre, elle rompt avec ses anciennes amies, se dispute violemment avec l?une de ses tantes sous prétexte que celle-ci n?a pas honte d?évoquer ses désirs sexuels, déteste son corps et tout ce qui lui rappelle sa féminité, et voue surtout aux gémonies ?l?autre? communauté, celle à laquelle appartiennent les principaux dirigeants du pays. Des attentats jihadistes frappent à l?aveugle militaires et civils alaouites, ce qui entraîne une répression d?une brutalité inouïe, menée par les milices du régime, qui fait des dizaines de milliers de victimes innocentes. Mais dans ce récit imprégné d?une poignante amertume, la narratrice ne raconte pas seulement sa chute mais aussi sa rédemption, amorcée au contact d?autres femmes de différentes origines confessionnelles ou ethniques qu?elle a rencontré après son arrestation. Elle retrace en parallèle l?évolution de chacun des membres de sa famille : son frère Hussam qui sera tué par la milice après une longue cavale, sa tante Maroua qui tombe amoureuse de l?officier qui traque Hussam, sa tante Safaa qui se marie avec un ancien marxiste devenu islamiste, et ses oncles dont l?un se réfugie dans le soufisme, l?autre dans la débauche, pendant que le troisième s?exile à Londres? En restituant ainsi l?affrontement entre les deux forces qui ont ravagé la Syrie tout au long des années 1980, l?islamisme et le despotisme, Khaled Khalifa met fin à l?amnésie que les Syriens se sont longtemps imposés, que ce soit par peur ou par souci de restaurer la paix civile, mais qui est loin de les avoir guéris de leurs traumatismes.
Khaled Khalifa est né à Alep (Syrie), en 1964. Après des études en faculté de droit, il s'est consacré à l'écriture. Scénariste réputé de plusieurs films et séries télévisées, fondateur d'une revue culturelle, Aleph, il a publié jusqu'à présent trois romans qui l'ont placé parmi les écrivains syriens les plus reconnus. Son Madîh al-karâhiya (Eloge de la haine) a été nominé en 2008 pour le Prix international du roman arabe (IPAF). |