Qui n'éprouve, un jour ou l'autre, la tentation de s'approprier complètement ce qu'il aime, non seulement par désir de possession intime, mais par besoin de communier et de s'identifier avec l'objet aimé ? Tel est le cas d'Herman Mack, fils du propriétaire d'un cimetière de voitures. Son originalité, toutefois, c'est d'être amoureux non d'une femme mais d'une automobile, une Ford dernier modèle. Aussi est-il à peine paradoxal de dire que Car est avant tout un roman d'amour, l'histoire de la relation passionnelle entre un homme et sa voiture, symbole de toutes les voitures d'Amérique. Et Herman, pour se l'approprier, se mettra à manger sa Ford, morceau par morceau, il ne se nourrira plus d'autre chose que de métal fondu, de bouts de moteur et de pneus. Le plus drôle, c'est qu'il deviendra ainsi le héros d'un one man show encore jamais vu : pour trois cents dollars par semaine - et pour la gloire ! -, il se saturera de ferraille devant des milliers de téléspectateurs. La voiture n'est-elle pas un objet de culte, ou même ce dieu tout-puissant, adoré et redouté, devant lequel se vautre l'Amérique tout entière ? Mais la mort plane sur ce roman, comme elle plane sur les routes : le dieu-voiture ne cesse de prélever sa dîme parmi ses adorateurs. C'est donc une parabole, une fable cruelle que nous livre Harry Crews. Ce pseudo-roman d'amour est en fait une satire implacable de l'Amérique, modèle de la société de consommation. Sa verve truculente, son humour noir et sarcastique, son refus des tabous contribuent à faire de Car à la fois un pamphlet virulent et un plaidoyer pour le retour de l'homme au bon sens et à la nature. |