Si je vous dis que je m'appelle Milanollo, né en 1728 et fils d'Antonio Stradivari, serez-vous étonné ? Peut-être pas. Mais si j'ajoute que je suis un violon doué de parole, de souvenirs, d'émotions, sans doute plus. J'en ai connu des aventures, en presque trois siècles d'existence : d'abord baptisé Coucher de soleil par Jean-Sébastien Bach, puis offert au Régent, j'ai fait vibrer la Pompadour comme Marie-Antoinette... Si les plus grands artistes m'ont permis d'être ovationné dans le monde entier, il m'est arrivé - hélas! - de vivre des moments douloureux. On a tué pour me dérober. La Révolution m'a fait fuir dans les bagages du virtuose Viotti vers l'Angleterre, où son confrère Dragonetti m'a ensuite envoûté, suivi par Paganini et la grande Teresa Milanollo. Plus récemment, j'ai appartenu encore aux fameux virtuoses Christian Ferras et Pierre Amoyal. Et aujourd'hui ? Eh bien, moi qui ai pleuré aux drames que mes maîtres ont vécus et éprouvé des bonheurs indicibles, je vous laisse savourer mes derniers chants, dans la magie du coup de théâtre qui referme ce livre.