Tout a commencé quand j'ai repéré Dorothée. Au ciné, je me suis assis dans mon fauteuil habituel, pas très loin de l'écran, au milieu de la rangée, celui qui me donne un super point de vue sur le reste de la salle, et l'impression d'être au centre. Le mercredi, le jour des enfants. Là, ils passaient Blanche-Neige. J'adore regarder le visage des gosses quand elle croque la grosse pomme toute rouge, leur bouche en cercle, leurs yeux qui s'allument, le feu sur les joues. D'habitude, je me case au fond de mon fauteuil, et je me mets à l'unisson de la salle, et les émotions des gosses me viennent par ondes successives, me pénètrent, me remplissent, une vague de chaleur qui s'insinue dans mon corps, et me submerge, et où je me noie doucement, progressivement. Je suis un mort à qui on donne une nouvelle vie. Une pile qu'on remplit. Voilà comment ça se passe d'habitude. Je suis même pas obligé de regarder ; parfois, leur seule présence, l'écho des voix, une odeur, ça me suffit. Et puis, il y a eu Dorothée... " |