Un jour à Mumbai, un homme avait fouillé dans mon sac et emporté mes affaires. J'avais protesté et demandé pourquoi il s'emparait ainsi du bien d'autrui sans autorisation. L'homme m'avait alors dignement sermonné pour ma naïveté : - Qu'est-ce qui te fait penser que ces choses t'appartiennent? Tu ne les possèdes que pour un moment, c'est tout. Lorsqu'on enlève son chapeau et qu'on l'accroche à un clou sur le mur, est-ce que ce chapeau appartient au mur ? Le raisonnement des Indiens est si cohérent et si convaincant que même Aristote, père de la logique, ne pourrait le réfuter. " Ryu Shi-hwa, " Earth traveler" comme il se définit lui-même, passionné d'indouisme, sillonne inlassablement l'Inde, le Népal et le Tibet ; ses textes de voyage constituent un superbe parcours initiatique. Le narrateur est présent à chaque page, mais c'est cette partie de l'Asie qui en est l'héroïne absolue. Avec sa nourriture " immangeable " pour le vulgum pecus coréen (et nous alors ?), ses pickpockets, son incommensurable crasse, ses vaches sacrées, ses grands sages, ses auberges improbables et surtout son extraordinaire fatalisme - qui fait rire avant même d'en comprendre la leçon. Ce monde si lointain, rapporté par le regard à la fois tendre et incisif d'un écrivain coréen, est bouleversant.