En 1968, les derviches tourneurs turcs répondent à l'invitation de l'Unesco et viennent pour la première fois à Paris. Les Français découvrent avec fascination leur rituel. Kudsi Erguner, musicien soufi qui joue de la flûte de roseau, le ney, se trouva au cœur de la plupart des voyages que firent les derviches tourneurs en Europe ou aux Etats-Unis. Issu d'une grande famille de musiciens, il a grandi au sein de la communauté soufie d'Istanbul. Dans les tekke, ces lieux où se réunissaient les derviches, il a côtoyé les derniers grands représentants de cette communauté, s'est nourri de leur musique comme de leurs paroles. Il a éprouvé leur étonnement de voir les Occidentaux s'intéresser à cette culture qu'ils pensaient promise à l'extinction du fait de sa répression par les autorités turques. Puis, en Occident, il a rencontré les adeptes de spiritualités orientales, les disciples de Gurdjieff, les amateurs de musique traditionnelle. Il a alors pris conscience de l'attirance qu'exerçait l'Orient sur les Occidentaux et des incompréhensions qu'elle pouvait générer.
Après nous avoir fait partager les derniers instants d'une communauté aujourd'hui disparue, c'est l'histoire vécue de ces relations entre culture traditionnelle soufie et monde occidental que Kudsi Erguner nous raconte. Il aborde les questions de la transmission d'une tradition musicale et spirituelle, du rôle du musicien traditionnel, de l'islam, de la politique et du soufisme. Kudsi Erguner relate également ses activités de musicien avec Peter Brook (Rencontres avec des hommes remarquables, le Mahabharata), Peter Gabriel ou d'autres compositeurs occidentaux. Cet ouvrage se clôt sur un commentaire des premiers distiques du Mesnevî de Celâleddin Rûmi et une présentation de la cérémonie des derviches tourneurs, le sama'. Enfin, un disque compact, Musique des tekke d'Istanbul, rassemble d'anciens enregistrements de la musique des derviches, certains réalisés dans le tekke ouzbek lui-même. |