J'ai voulu insister avec Camus mais je n'ai pas pu finir la lecture. Là, j'arrête, je renonce à comprendre ce que d'autres lecteurs y trouvent. Je dois passer à côté de quelque chose...

Dans un long monologue de cinq jours, un ancien avocat parisien résidant désormais à Amsterdam se confesse à un inconnu rencontré dans un bar.
Comme tout être humain ordinaire il a ses défauts : une estime de soi tâchée de vanité, des remords de conscience (la jeune femme qui s'est suicidée en se jetant dans la Seine), de petites lâchetés (son altercation avec un automobiliste)...
Sa philosophie de vie est celle d'un juge-pénitent : on ne peut juger les autres sans risquer d'être juger soi-même, alors il commence par faire pénitence... ce qui lui donne le droit de porter son regard sur la vie de ses contemporains en prenant ses propres expériences comme miroir.

La Chute a été publié en 1956. En pleine guerre d'Algérie, six ans avant le tragique accident de la route où il trouva la mort.
La date est importante car elle permet de situer l'état de la pensée de Camus, après la polémique avec Sartre et l'équipe des Temps Modernes.
Que dire de ce livre sinon qu'il n'est pas facile d'accès ?
Clamance est un "juge-pénitent" qui entame une chute, une déchéance à partir d'un événement qui lui révèle sa culpabilité. Un soir qu'il rentre chez lui en traversant un pont de la Seine, il entend le bruit d'un corps qui tombe dans l'eau, puis un cri de femme. Il entend ce cri, mais il ne fait rien, il continue son chemin. C'est le début de "sa" propre chute à l'image de la femme qui se suicide en se jetant dans le fleuve.
Clamance révèle ensuite à son interlocuteurs ses autres fautes, sa vie de débauche, ses relations terrifiantes avec les femmes... La chute n'en est que plus vertigineuse.
Le livre est écrit sous forme d'un dialogue qui est en fait un monologue. On sait que Clamance est à Amsterdam, dans un café, c'est là qu'il entame son récit. La démarche est résolument individualiste puisqu'elle concerne un homme Clamance, mais à la fin du livre on comprend que Jean Baptiste Clamance n'est que le miroir de tous les hommes. Il est symboliquement le prototype de l'homme moderne. Un homme libre certes, mais un homme manipulé et faible.
Dans le livre de La Pléiade, voici le texte du Prière d'insérer écrit par Camus :
"L'homme qui parle dans la Chute se livre à une confession calculée. Réfugié à Amsterdam dans une ville de canaux et de lumière froide, où il joue à l'ermite et au prophète, cet ancien avocat attend dans un bar douteux des auditeurs complaisants.
Il a le coeur moderne, c'est-à-dire qu'il ne peut supporter d'être jugé. Il se dépêche donc de faire son propre procès, mais c'est pour mieux juger les autres. Le miroir dans lequel il se regarde, il finit par le tendre aux autres.
Où commence la confession, où l'accusation ? Celui qui parle dans ce livre fait-il son procès, ou celui de son temps ? Est-il un cas particulier, ou l'homme du jour ? Une seule vérité en tout cas, dans ce jeu de glaces étudié : la douleur, et ce qu'elle promet."

Résumé :
Sur le pont, je passai derrière une forme penchée sur le parapet, et qui semblait regarder le fleuve. De plus près, je distinguai une mince jeune femme, habillée de noir. Entre les cheveux sombres et le col du manteau, on voyait seulement une nuque, fraîche et mouillée, à laquelle je fus sensible. Mais je poursuivis ma route, après une hésitation… J'avais déjà parcouru une cinquantaine de mètres à peu près, lorsque j'entendis le bruit, qui, malgré la distance, me parut formidable dans le silence nocturne, d'un corps qui s'abat sur l'eau. Je m'arrêtai net, mais sans me retourner. Presque aussitôt, j'entendis un cri, plusieurs fois répété, qui descendait lui aussi le fleuve, puis s'éteignit brusquement.

Mon avis :
Un classique. Mais pour être franche j'ai toujours eu du mal avec Camus.