Le deuxième roman de l'écrivain espagnol Fernando Marías est à l'image de son titre : il fait froid dans le dos...
"Je vais mourir cette nuit" est l'histoire d'une vengeance, une vengeance machiavélique, dont l'exécution a demandé de colossaux moyens humains et financiers.
Et pourtant... elle ne vise qu'un seul homme. Cet homme, c'est Delmar, inspecteur de police qui a, pour son malheur, mis fin à la brillante carrière d'un marchand d'art sans scrupule, ce dernier s'étant suicidé au cours de sa quatrième année de prison.
Pour nous raconter le déroulement de cette vengeance, l'auteur utilise un moyen tout aussi machiavélique ...
Son récit est une longue lettre, celle que l'auteur de la vengeance adresse d'outre-tombe à sa victime, seize ans après sa mort. Il y détaille toutes les étapes du plan qu'il a minutieusement élaboré avant de mettre fin à ses jours, et qui, se déroulant sur presque deux décennies, a pour objectif de plonger progressivement sa cible dans le plus noir des désespoirs.
C'est ainsi que le lecteur découvre, en même temps que Delmar, la macabre missive, sans savoir si ce qui y est relaté s'est déroulé comme le défunt l'avait prévu, et s'il a pu, par l'intermédiaire de son projet dément mais extraordinairement bien huilé, prendre le contrôle de l'existence de l'inspecteur et la transformer en cauchemar.
C'est avec effroi que l'on progresse au fil de ce long monologue, qui interpelle sans pitié son lecteur. Fort de l'agressive assurance que son plan a abouti, son auteur se permet même des supputations sur l'état d'esprit (et d'ébriété) dans lequel se trouve le destinataire de la lettre au moment de sa lecture, l'imaginant au bout du rouleau. La machination que dévoile le marchand d'art est d'une envergure impressionnante, et son absence de tout scrupule atterrante.
Paradoxalement, le style soigné de cette confession d'une arrogance perverse, riche de métaphores souvent lyriques, rend d'autant plus glaçant son diabolique propos.
Et c'est avec une sorte de fascination horrifiée que l'on dévore ce texte certes court mais très fort.
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