Guerre dans le désert.
« Muori, cane !
Non avere fretta di darmi per morto ! »
Entre Tex Willer et le guerrier apache qui se rue sur lui, tomawak au poing, la lutte est sans merci. Kit Carson reste affaibli après les tortures indiennes subies et les Mescaleros menés par le redoutable et vindicatif Kayton vont réduire les deux rangers à l’impuissance. L’arrivée providentielle de l’escouade de tuniques bleues pistant Tex accusé d’homicide ne fait qu’écarter un danger mortel immédiat pour un autre piège, celui de l’emprisonnement du ranger. Sa mission de rejoindre le chef apache Durango sorti de sa réserve avec ses guerriers et directement menacé par les représailles iniques de l’armée risque d’échouer avant même d’être engagée. Les Apaches de Kayton ne vont pas se laisser abattre et ils reviennent à la charge, décimant la petite troupe militaire.
Suite et fin du Tex mensuel n° 504, l’histoire très classique de Claudio Nizzi corsée par l’inculpation du ranger et la mise à mal des héros, Tex sera enterré jusqu’au cou et livré aux fourmis voraces du désert, se lit avec un vrai plaisir que rien n’émousse et surtout pas le dessin du Michel-Ange argentin. Miguel Angel Repetto a 73 ans lorsqu’il réalise les planches de cette aventure. D’une main forte et légère, le dessinateur dynamise sans cesse le récit, multipliant les angles de vue et le mouvement des personnages. La tragédie révèle les hommes et les masques tombent. La lecture d’une bédé populaire de si haute tenue est un régal de tous les instants.

La tanière du mal.
Si Mefisto sent le vent mauvais tourner, il n’en déclenche pas moins son sinistre piège mortel sur ses prisonniers avant de s’éclipser pour mieux revenir hanter les quatre amis et répandre tout le fiel de ses turpitudes.
Fort Buffalo.
Dans le désert du Nouveau-Mexique, Tex Willer cherche à empêcher des effusions de sang entre les Indiens Mescaleros sortis de leur réserve et guidé par leur chef Durango et l’armée commandée par le colonel Rafferty souhaitant châtier les responsables du massacre d’une patrouille. Tex ne croit pas en la culpabilité des Mescaleros de Durango mais il n’a pas le loisir de faire entendre la raison aux uns et aux autres car il est accusé du meurtre au cours d’une rixe de l’odieux sergent Liddaker. Tex prend la fuite in extremis et découvre Kit Carson attaché au poteau de torture des Apaches.
Alors que l’histoire de Mefisto se clôt momentanément en trente-cinq pages virevoltantes après trois épisodes de 114 pages chacun, un tout autre récit prend le relais. Le même scénariste entraîne les rangers dans une suite de traquenards qui les malmène durement. Tex en est réduit à la fuite et Kit est épuisé des tortures subies. Les Apaches ne lâchent rien et les rangers sont pris entre le tomahawk et le fusil, la mise à mort lente ou le peloton d’exécution. La course contre la montre est engagée d’autant que l’armée est bien décidée à faire rendre gorge aux Mescaleros qui ne sont peut-être pour rien dans le sinistre massacre de la patrouille. Le dessinateur argentin Miguel Angel Repetto (né en 1929) déroule son trait classique et précis embelli de fines hachures parallèles. Si le rendu du visage de Tex n’est pas toujours convaincant, Repetto excelle à traduire toutes les expressions humaines et ses paysages restent des modèles du genre. On découvre en marge tout un bestiaire du désert, faucon, puma, lièvre, etc. vacant à leurs occupations, loin de l’imbroglio des aventures humaines. Le récit est particulièrement vif et prenant.

La puissance des ténèbres.
Les hommes de Walcott à la solde du comte Leonov n’arrivent pas à maîtriser Tex. Mefisto assiste à distance à l’altercation avec l’aide de son miroir divinatoire et voyant que le ranger va interroger un des bandits prisonnier, il invoque les démons de l’enfer afin de provoquer la folie du malfrat par la terreur. Tex a néanmoins dans sa ligne de mire le saloon Belle France et ses propriétaires, Boris Leonov et Lily, sa femme démoniaque. Tex appelle par télégramme son fils et son frère de sang, le Navajo Tiger Jack mais encore une fois, Mefisto espionne et leur tend un piège. Tex a toutefois deviné les plans de Mefisto alors il met sous pression le coriace Leonov.
Les ruses machiavéliques et la machination infernale du démon réincarné en Mefisto prennent toute leur ampleur dans ce troisième opus. Alors que les proches les plus chers du ranger tombent entre les mains du fou meurtrier, Tex Willer conserve son sang-froid et son infaillible raisonnement. A aucun moment il ne cède à la panique, la colère ou l’accablement et pas à pas, il dénoue les fils du piège mortel. Ses compagnons ne doutent pas de l’intervention du héros. Malgré la linéarité du récit cousu par les poncifs du genre, l’histoire se lit d’une traite jusqu’à la confrontation finale qui n’a lieu que dans les premières pages du numéro suivant. Claudio Villa semble avoir pris plaisir à dessiner cette longue histoire qui sort du format habituel de la série par sa longueur. Il travaille efficacement l’expression des visages en plans resserrés et multiplie les cadrages et les angles de vue en survolant les difficultés techniques. L’ensemble est d’une haute tenue.

Revenu des enfers, Mefisto n’a d’autre désir que de tendre un piège mortel à ses exécuteurs. Il ourdit son traquenard et sa première proie va être Kit Carson, sensible à la beauté des danseuses du saloon de la Belle France dont les tenanciers ne sont autres que le couple Leonov. Lily Leonov épaule son frère Mefisto quel que soit le prix à payer. Pour l’heure, ses conseils sont justes et appréciés par un Mefisto prompt à s’emporter surtout quand il entend à distance à travers son miroir espion Tex Willer le traiter de vieux nigaud (« vecchio gaglioffo »).
Maître des visions d’horreur, Mefisto entraîne dans la folie ou la terreur les hommes qui ne servent qu’à son unique plan, celui d’enchaîner Tex, son fils et ses deux compagnons, Kit Carson et Tiger Jack afin qu’il puisse déployer toute la panoplie de sa cruauté. Sa sœur Lily se montre redoutable et déterminée. Lorsque Kit Carson disparaît, Tex Willer met en oeuvre ses talents de limier et remonte la piste sulfureuse de son ennemi juré. Ses déductions lui évitent les premiers pièges grossiers mais l’étau se resserre et Mefisto peut espionner son ennemi à distance, le voir et l’entendre en toute discrétion. Cela lui procure toujours une longueur d’avance. Claudio Villa reste impeccable et son graphisme tout en clair-obscur, hachures fines et délicates est d’une précision, d’une élégance et d’une beauté notables. Il n’y a aucun temps mort dans le déroulement du récit d’une grande lisibilité. Tex reste marmoréen en dépit d’une tourmente funèbre qui s’approche. Le surnaturel ne l’empêche pas de raisonner et de déduire les mauvais coups fourbis par son funeste ennemi en fin de compte quelque peu pitoyable.

A Paris, Ville Lumière où les ténèbres se diffusent dans la bonne bourgeoisie amatrice de sciences occultes, le couple Leonov se rend chez Vladimir Bolkonsky, sur invitation ultra confidentielle, à une séance de spiritisme animée par Narbas, un mage hindou. Capable de communiquer avec les esprits, Narbas fait apparaître sur demande, dans une boule translucide, les âmes errantes. A peine sidérée par ce qu’elle voit, Lily Leonov demande à retrouver son frère défunt, Steve Dickart. Le satanique et sardonique Dickart qui se fait appeler Mefisto, se manifeste et réclame son retour sur Terre afin de se venger de son exécuteur, Tex Willer. Entretemps, dans le village navajo, le sorcier est saisi par un cauchemar prémonitoire, celui de la venue d’entre les morts du sinistre Mefisto. Il met Tex au courant du danger encouru et le ranger, connaissant la sagesse et la probité du sorcier, décide de considérer sérieusement la vision de son ami. Les Leonov embarquent avec Narbas pour la Louisiane afin de mettre la main sur la dépouille de Mefisto, seul moyen pour que l’esprit malin se réincarne.
On peut être peu sensible à l’irruption du surnaturel dans les aventures du ranger texan mais l’intérêt majeur réside dans la venue d’un ennemi emblématique et surtout dans le traitement graphique de Claudio Villa. Ce très grand dessinateur sait tout faire et il le montre à chaque case. Les visages ont des rendus superbes, expressifs. Les corps des femmes dégagent un érotisme à tout crin. Cet épisode de juillet 2002 se poursuit dans les deux volumes suivants. On peut toujours regretter que de telles œuvres n’aient pas plus de retentissement dans l’hexagone et qu’il faille revenir à la source originelle italienne.