2 livres correspondent à cette oeuvre.
Il y a actuellement 2 notes de lecture correspondant à cette oeuvre (voir ci-dessous).
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[Lucia Etxebarria présente : Ce que les hommes ne savent...] |
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apo
Sexe: Inscrit le: 23 Aoû 2007 Messages: 1959 Localisation: Ile-de-France
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Posté: Ven 28 Nov 2014 17:06
Sujet du message: [Lucia Etxebarria présente : Ce que les hommes ne savent...]
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[Lecture inspirée par l'amie Swann que je remercie au passage et dont je prends la note de lecture pour base de la mienne]
L'essai introductif du recueil de nouvelles a pour thèse principale la réfutation de la distinction entre érotisme et pornographie. Cette distinction a été (et continue d'être) invoquée selon des arguments d'esthétique (mis à mal par l'historicité de la réception), ainsi que féministes :
"L'idée que la femme et l'homme conçoivent différemment la sexualité est à la base de la distinction entre érotisme et pornographie, distinction associée, chez bon nombre de féministes militantes, à des questionnements de genre, la pornographie étant liée au plaisir masculin et l'érotisme à un désir féminin qui aspire à se construire." (p. 19)
A l'encontre de ce raccourci qui paraît quand même un peu facile, Etxebarria expose une gamme plus subtile et nuancée de critères de distinction (presque entièrement dus à des auteures femmes et peut-être féministes ?) qui sont présentés cependant peu ou prou comme autant de sophismes. (D'où, sans doute, la perplexité de Swann...)
En contrepartie, l'auteure loue sans réserve l'apport de la littérature érotique féminine - parce que féminine et parce qu'elle "a une portée politique et non pas seulement littéraire.
L'écrivaine contemporaine rompt avec le statu quo pour créer un univers correspondant à ses propres valeurs, sans pour autant renier sa propre biologie. Il en résulte un nouveau canon littéraire : une image de la réalité captée par un regard de femme, et portée par un discours non androcentrique. Une vision nouvelle de la femme conçue comme agent provocateur, vision façonnée par une profusion de textes qui ont fini par constituer un corpus ayant ses propres références, sa propre voix et son propre système." (p. 24)
[Et déjà deux notions me font légèrement grincer les dents : "la portée politique" de la littérature et le passage de la rupture du statu quo à un "nouveau canon littéraire"...]
Cette littérature érotique féminine diffère(rait) de la prose érotique masculine en six points:
1. "les hommes sont directs, les femmes sont sinueuses" (p. 33)
2. "les femmes sont prolixes, les hommes sont concrets" (p. 34)
3. "les hommes sont visuels, les femmes sont sensorielles" (p. 36)
4. "les hommes sont simples, les femmes sont compliquées" (ibid.)
5. "soumission et sadomasochisme sont nettement plus présents dans les écrits de femmes" (p. 37)
6. "les images sexuelles des femmes sont différentes de celles des hommes" (p. 39)
Le choix des nouvelles, au moins pour les six premières, semble être fondé sur un désir d'exemplification de la liste sus-indiquée.
Je ne suis pas suffisamment expert dans le genre érotique pour confirmer ou infirmer la thèse de cet essai. Comme prévu par l'auteure, certaines nouvelles m'ont touché plus que d'autres, certaines pas du tout, et c'est sans doute une question personnelle.
D'instinct, je me sens assez dubitatif face à l'essentialisation d'un genre dans la littérature, érotique ou non. Il me semble bon de réserver aux arts (dont la littérature), comme aux autres productions de l'esprit, le bénéfice de ce que Belinda Cannone appelle le "neutre".
Par conséquent, si je recherchais un "questionnement de genre", ou dans la mesure où c'était le cas, je demeurerais assez insatisfait.
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[Lucia Etxebarria présente : Ce que les hommes ne savent...] |
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Auteur |
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Swann
Sexe: Inscrit le: 19 Juin 2006 Messages: 2642
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Posté: Mer 30 Mai 2012 19:39
Sujet du message: [Lucia Etxebarria présente : Ce que les hommes ne savent...]
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Lucìa Etxebarria présente, après un essai sur la littérature féminine érotique intitulé "L'Ascension d'Eros", dix nouvelles écrites par des hispanophones (traduites par Delphine Tallaron) plus une sienne.
Le but est de réhabiliter la plume féminine. Forte de l'expérience de l'accusation faite pour Beatriz et les corps célestes (Prix Nadal 1998), Etxebarria affirme qu'il est très difficile à une femme d'être accueillie comme un écrivain à part entière si ses textes ont une coloration érotique minime ("alors qu'il est à peine moins prude qu'un livre de Bibliothèque rose"), tandis qu'un homme reste un écrivain sans l'épithète ambiguë d'érotique, même s'il insère une "scène sadomaso (...) pénible".
Son essai est extrêmement intéressant mais il met en jeu des catégories tellement subtiles que j'ai eu parfois des difficultés à la suivre dans les méandres des nuances entre la pornographie et l'érotisme (selon Catherine Millet et elle, c'est la même chose ; c'est notre approche de la sexualité - ce qui est choquant et ce qui ne l'est pas - qui fait la différence). Les féministes ont elles-mêmes contribué à la confusion générale, en érigeant la distinction érotisme = "expression d'une sexualité mutuellement agréable entre personnes à même de choisir librement de la pratiquer" et pornographie = "porter le message de la violence, de la domination et de la conquête" (Gloria Steinam).
Etxebarria développe une idée intéressante sur cette soumission du corps féminin aux diktats sexuels intégrés dans la moralité de l'homme : elle viendrait de ce que l'activité sexuelle peut se révéler par une grossesse ; l'homme peut cacher qu'il n'est pas chaste, pas la femme. D'où la censure sur celle-ci.
Elle s'interroge également sur l'intérêt de la prise de parole féminine dans l'érotisme et cita Ana Istarù : "Si, pour prendre mon exemple, j'ai écrit de la littérature érotique, c'est parce que je voulais lire quelque chose qui me plaise, et que ce que j'ai lu écrit par des mâles m'a paru choquant et agressif (..)".
Je remarque, comme un dû, que ces onze nouvelles, qu'elles soient extrêmement érotiques ("Le Violoncelliste et le papillon" d'Andrea Menéndez Faya, "Laisse-toi faire" de Lola Beccaria, "L'alphabet réappris" de Cecele, "L'Institut Sadiana" de Silvia Uslé, "Que mal accompagnée" de Silvia Grijalba, "Les amants des tombeaux" de Marìa Frisa) ou beaucoup moins ("Le Regard d'Olga" de Lucìa Etxebarria elle-même, "Papillons jaunes" de Marta Sanz, "La peau et l'animal" d'Espido Freire, "L'autocar ne compte pas" de Coché Echarren, "A l'intérieur du volcan" d'Imma Turbau), sont bien écrites, et je salue la traductrice, qui a réussi à me faire croire que les auteures avaient écrit directement en français.
Les nouvelles mettent en jeu des situations amoureuses ou dépourvues d'affection d'une manière tout à fait variée, rarement choquante, souvent humoristique (ce qui fait tout passer ou presque), sans négliger la nécessité de la chute. On n'a même pas besoin d'être gay (beaucoup d'héroïnes le sont dans les textes) car elles sont universelles. J'ai bien aimé aussi que les auteures fassent confiance à l'intelligence de leur lecteur et ne sous-titrent pas leurs intentions ou ce qu'il faut penser de la situation.
J'ai été quand même un peu dubitative quand j'ai retrouvé deux des situations évoquées par les textes à l'intérieur du Chalet suisse d'Élodie Büri. Mais je suppose que ces dames sont tout simplement plusieurs sur le même fantasme.
C'était agréablement surprenant à lire, j'avoue que je craignais le pire.
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