Les amusettes d’Anna ne partent pas toutes en sucette. Les dérapages sont contrôlés quand elle est en week-end. Ils le sont moins lorsque les fins de semaine fantasmatiques débordent dans le monde du travail. Anna a deux vies. Secrétaire laborieuse cachée derrière les montures épaisses de ses lunettes, Anna se métamorphose en humble bombe sexuelle, généreusement mamelue et toute dévouée aux puceaux nippons. Elle entre d’ailleurs en concurrence avec une autre femme travaillant dans le même bureau qu’elle, Fuyuki, reine incontestée, la nuit, du déniaisement de ces jouvenceaux. Elles finissent par s’accorder et unissent leur talent respectif et leur dévouement pour la plus grande satisfaction de toutes les parties. Il faut admirer tous ces orgasmes synchronisés au poil près. Il n’y a ni doute, ni repentir. Tout carbure au mieux. Anna se donne à fond et son amant d’un soir et d’un spasme lui voue ensuite une totale reconnaissance bien qu’il soit incapable de la distinguer si par malheur pour elle il la croise à son travail.
Le manga est chapitré en week-end, prétexte à une nouvelle aventure sexuelle à chaque fois. Curieusement, les scènes de copulation n’apparaissent pas ennuyeuses et suscitent même un peu d’intérêt alors que la censure met du blanco sur les zizis et les frifris. Peut-être que le graveleux et l’ennuyeux du hard ainsi gommés, les séances hots deviennent digestes ? Nulle déviance dans la recherche de jouissance ! Les hommes et les femmes se respectent. Le dessin du collectif japonais Saigado reste toujours plaisant à voir. Les cadrages sont dynamiques et inventifs. On aurait pu encore poursuivre la lecture des aventures d’Anna mais la revue qui les publiait, Men’s Action, ayant cessé de paraître, le 3e volume des Loisirs d’Anna, conçu dans ses grandes lignes, ne verra jamais le jour.

Interdit aux moins de seize ans, Les loisirs d’Anna s’adresse pourtant en priorité aux prépubères fantasmant, le manga d’une main, sur les gros seins avenants et les sexes goûtants des filles faciles. Anna est une secrétaire binoclarde d’une quelconque société nippone. Timide, effacée, voire inexistante au travail, elle se découvre dès le vendredi soir après le turbin en exhibitionniste allumeuse, la poitrine explosant les bonnets et le sexe ruisselant offert aux regards concupiscents des hommes croisés dans la rue ou le métro. Anna jouit et fait jouir les laissés-pour-compte, les solitaires, les mâles désoeuvrés et telle une apparition céleste, disparaît comme un rêve ou un fantasme achevé. C’est cet aspect humain qui est le plus étonnant et le plus attachant, plutôt inhabituel dans les séries érotiques dont les visées restent très souvent cantonnées au niveau de la ceinture et en dessous. La censure veille au grain et les sexes masculins brandis à chaque nouveau week-end sont gommés c’est-à-dire qu’ils apparaissent en positif, blanc sur fond blanc, dématérialisés mais dont les contours indiquent explicitement la taille et la forme. Il en est de même des sexes féminins mais malgré les ciseaux pudibonds d’Anastasie, le sperme gicle en cascade sur les visages extatiques. Les personnages ont souvent des apparences occidentales et leurs traits esquissés leur confèrent des airs d’éternels adolescents encore tout pétris d’enfance. Etrangement, le manga se lit sans déplaisir car les outrances et les caricatures restent conventionnelles. Entre les hommes et les femmes existent un échange de plaisirs sans que l’un n’écrase l’autre. Comme toujours, la maladie n’a pas d’emprise dans ces univers aseptisés et fantasmatiques. Le dessin du collectif japonais Saigado est agréable à regarder et si les situations prêtent souvent à sourire avec notamment des giclées d’onomatopées en cataracte : « Mouv, mouv, splitch, splatch ! », Anna reste sympathique de bout en bout et doit souvent essuyer ses lunettes.