C'était à prévoir, Apo et Amiread l'avaient prévu, bien évidemment, et moi aussi, naturellement : ce livre m'a complètement plu! Oui! En effet, ma lecture du Tanakh et mon approche de la langue hébraïque (que je suis en train de découvrir par l'étude - nouvelle - et l'apprentissage - tout seul) m'ouvrent là aussi des clés d'entendement qui sont loin d'être inintéressantes.
Ouaknin est vraiment un prof : il enseigne à tous, et j'ai même trouvé un site sur lequel des vidéos et fichiers audio sont en téléchargement : AKADEME. Moi, j'écoute ça et je suis passionné! Bref, c'est clair, les juifs ont une méthode d'interprétation qui défie les siècles, et les chrétiens ont perdu énormément en se coupant de leurs racines juives. Tant pis pour eux ;-D

Je conseille vivement ce livre à tous les amoureux du lire (pas du liVre, mais du lire).

Un livre qui ouvre encore et encore, la réflexion, les sens multiples des mots, la joie de s'inventer et de se réinventer. L'auteur y parle de l'Histoire comme étant la possibilité infinie de se créer sans cesse. Il montre qu'au travers de la lecture, le questionnement est sans cesse renouvelé et nous permet d'être en mouvement, de ne jamais fermer le sens.
C'est une lecture qui éveille, qui construit, qui fait du bien.

Il s'agit là d'ou essai de philosophie cossu sur tous les effets qu'a la lecture sur l'acte de "prendre soin de son âme" (thérapeia). La "lecture" doit être mise entre guillemets plus encore que la thérapie, car il est question surtout d'interprétation de l'écrit, en particulier d'herméneutique, de rupture des sens attendus (par l'habitude ou une lecture superficielle) et reconstruction par d'autres moyens (y compris kabbalistiques, par assonances, etc.) de nouveaux sens.
La double "casquette" de l'auteur, rabbin et philosophe, donne le la à la démarche: hélas, j'ai eu d'énormes difficultés à suivre les références talmudiques et en général la philologie hébraïque, de même que le côté philosophique, qui puise abondamment à Heidegger, à Ricoeur, à Lévinas et parfois à la psychanalyse notamment lacanienne... (Quelques lumières d'un ami spécialiste en ontologie n'ont pas été superflues...)
Des moments d'intense jouissance intellectuelle, surtout dans la partie "Langage, récit et identité" qui touche à des thèmes qui me sont plus proches, se sont alternés à des déserts d'ennui, en particulier sur la valeur numérique des mots et racines d'hébreu... De longues citations littéraires de textes très variés de Bachelard à Kafka à Rabbi Nahman de Braslav, etc etc, ont égayé les concepts tout en les faisant s'égailler... (phrase qui aurait bien trouvé sa place dans l'essai, je suppose!)
Je sors le dos rompu de cette lecture, interropue et reprise sans cesse tout au long d'une période de presque six mois, mais globalement convaincu par l'idée de fond: que les noeuds de l'âme sont d'abord des noeuds du langage; qu'il faut donc éclater le sens avant de le reconstruire - seule la lecture peut le permettre - , et que l'identité (mais ceci vient de Ricoeur) s'en trouve ainsi "libérée". Avoir eu un petit aperçu des "méthodes" pluriséculaires des kabbalistes révèle sans doute aux profanes l'étendue de leur incapacité à les saisir, d'où évidemment tant de fascination et d'angoisse chez les ignares...