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Les notes de lectures recherchées

3 livres correspondent à cette oeuvre.

Il y a actuellement 2 notes de lecture correspondant à cette oeuvre (voir ci-dessous).

Notation moyenne de ce livre : (1 livre correspondant à cette oeuvre a été noté)

Mots-clés associés à cette oeuvre : 19e siecle, litterature francaise, messe noire, moyen-age, satanisme, tarot

Auteur    Message
andras



Sexe: Sexe: Masculin
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Messages: 1800
Localisation: Ste Foy les Lyon (69) -- France

Posté: Mer 04 Juil 2018 15:16
MessageSujet du message:
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Diable de livre que ce "Là-bas" ! Où veut-il donc nous emmener ? Certes pas vers une destination lointaine comme l'a fait avant lui Baudelaire avec son "Invitation au voyage" ! Peut-être alors dans le passé, et plus précisément au Moyen-Âge, à la découverte du personnage sulfureux que fut le baron Gilles de Rais, un temps compagnon de Jeanne d'Arc, reconverti en violeur et égorgeur d'enfants, surnommé "Barbe-Bleue" et dont Durtal, le personnage principal du livre a entrepris d'écrire la biographie ? Ou bien encore à la découverte de ceux qui, encore en cette fin du XIXe siècle, s'intéressent de très près au "Très-bas", l'un des noms que l'on donne à Satan. Ces deux quêtes n'en font d'ailleurs qu'une si l'on en juge par cet extrait de la lettre que Huysmans envoie en février 1990 (un an avant la publication de "Là-bas") à l'abbé Boullan, son principal informateur sur les pratiques satanistes : « Je veux démontrer que toutes les théories matérialistes de Maudsley et autres gens sont fausses, que le diable existe, que le diable règne, que sa puissance du Moyen-Âge n'est pas éteinte...».

C'est donc un roman-enquête sur le satanisme (*), culte voué à Satan, que nous livre ici Huysmans. Mais on y sent aussi une démarche personnelle, un chemin qui en passant par le "Très-bas" va conduire Huysmans vers le "Très-haut" et la conversion au catholicisme. Si l'on croit en Satan, on croit aussi, "logiquement", en Dieu, celui du Christ, bien évidemment. C'est du moins la conclusion à laquelle aboutit Durtal, l'alter-ego de Huysmans : « Que croire ? La moitié de ces doctrines est folle et l'autre est si mystérieuse qu'elle entraîne; attester le Satanisme ? dame, c'est bien gros et pourtant cela peut sembler quasi-sûr; mais alors si on est logique avec soi-même, il faut croire au Catholicisme et, dans ce cas, il ne reste plus qu'à prier; car enfin ce n'est pas le Bouddhisme et les autres cultes de ce gabarit qui sont de taille à lutter contre la religion du Christ ! ».

Il y a bien aussi une intrigue amoureuse dans ce roman mais elle est si pitoyable que mieux vaut la passer sous silence. D'ailleurs, Durtal-Huysmans semble avoir une bien piètre opinion des femmes. Pour preuve, une réflexion parmi d'autres du même acabit : « Maintenant les hommes ne lisent plus; ce sont les femmes dites du monde qui achètent les livres et déterminent les succès ou les fours; aussi est-ce à la Dame, comme l'appelait Schopenhauer, à la petite oie, comme je la qualifierais volontiers, que nous sommes redevables de ces écuellées de romans tièdes et mucilagineux qu'on vante ! Ça promet, dans l'avenir, une jolie littérature, car, pour plaire aux femmes, il faut naturellement énoncer, en un style secouru, des idées déjà digérées et toujours chauves. ». Affligeant.

Si, pour compléter le portrait de Durtal et de son créateur, on ajoute à la misogynie et qui va souvent de pair avec elle, un penchant réactionnaire poussé à l'extrême : le monde d'aujourd'hui est pourri (y compris, on vient de le voir, la littérature), c'était mille fois mieux autrefois ! Toutefois, la solution « pour échapper à l'horreur de cette vie ambiante, c'est de ne plus lever les yeux. Alors, en ne contemplant que les trottoirs, l'on voit [sur les plaques d'égout] des blasons d'alchimistes, des caractères talismaniques, des pentacles bizarres [...]; ça peut permettre de s'imaginer qu'on vit au Moyen-Âge ! ». La seule chose qui semble plaire à Huysmans dans la production contemporaine, c'est (bien-sûr) sa propre prose. Il en vient à se citer lui-même disant de Gilles de Rais qu'« il était le des Esseintes du quinzième siècle » (des Esseintes étant le héros de son précédent roman, "A rebours"). Évidemment les autres auteurs sont quantité négligeable pour notre phare de la pensée et il assassine les naturalistes au premier rang desquels George Sand. Il ne garde son ancien ami Zola que pour en faire un soubassement de son "naturalisme spiritualiste" qui serait "autrement fier, autrement complet, autrement fort !". Rien que ça !

On aura compris que Huysmans, pas plus que son roman, ne me sont sympathiques. Je comprends que l'on trouve un intérêt historique à cette lecture, j'ai beaucoup plus de mal à y trouver un intérêt littéraire, même si la préface d'Yves Hersant a des accents qui ne m'ont pas laissé indifférent. Je dois d'ailleurs avouer que j'ai trouvé la préface beaucoup plus digne d'estime que le roman lui-même ! Je laisse à d'autres le soin de défendre ce drôle de roman écrit dans un XIXe finissant par un homme qui aurait aimé vivre au Moyen-Âge.

(*) A noter que cette enquête ne présente aucun caractère d'objectivité, elle vise exclusivement à apporter de l'eau aux croyances sataniques. En ce qui concerne les réels pouvoirs des alchmistes, Huysmans ne rechigne pas devant ce qu'on appellerait de nos jours des "fake news" : ainsi, comme le montre le préfacier du livre Yves Hersant, il soutient dans "Là-bas" que Spinoza « vérifia l'expérience [faite par Helvetius de la transmutation du plomb en or] et en attesta l'absolue véracité », alors qu'un écrit du philosophe atteste au contraire de son scepticisme à l'égard de cette expérience. Bien sûr, Huysmans ne cite pas ses sources.
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[Là-bas | Joris-Karl Huysmans]
Auteur    Message
ingannmic



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Messages: 737
Localisation: Mérignac

Posté: Mar 26 Oct 2010 11:19
MessageSujet du message: [Là-bas | Joris-Karl Huysmans]
Commentaires : 0 >>

"Là-bas" débute par une discussion à propos du naturalisme entre Durtal, principal personnage du roman, et son ami Des Hermies. Ce dernier remet en cause ce courant littéraire auquel il reproche de ne s'intéresser qu'à l'aspect trivial de la vie, de n'étudier que des êtres médiocres, de ne pas tenir compte de l'âme et de la spiritualité.
Durtal, quant à lui, s'interroge... il admet ne pas apprécier le matérialisme et son réalisme rigide, mais quelle est l'alternative à ce mouvement ? Il n'est pas non plus question de revenir aux balivernes larmoyantes du romantisme ! Ce ne sont pas en tous cas les "littérateurs" de cette fin de XIXème siècle (qui selon lui, se divisent en deux catégories : les cupides bourgeois affamés d'argent et de considération, et les abominables mufles issus de la racaille), qui vont ouvrir la voie à un art plus noble, plus élevé...
Et la littérature n'est pas la seule à baigner dans cette déplorable médiocrité ! Il juge en effet son époque de façon très sévère, estimant que "la société n'a fait que déchoir depuis les quatre siècles qui (la) sépare du Moyen-Age", et ce, aussi bien d'un point vue moral que social. L'une des principales causes de cette déchéance serait justement le triomphe du matérialisme, le capitalisme et la soif d'argent ayant terrassé la grandeur d'âme et l'héroïsme. L'Eglise elle-même "hait les pauvres, prêche la bourgeoisie de l'âme". Et quant aux bourgeois, justement, ils ont remplacé une noblesse "sombrée dans le gâtisme ou dans l'ordure". Le peuple n'échappe pas lui non plus à cette diatribe vénéneuse : il serait devenu mauvais travailleur et alcoolique, car "n'a plus l'indispensable crainte du vieil enfer" !

L'attirance de Durtal pour ce glorieux et regretté Moyen-Age le conduit à concrétiser un projet de roman sur Gilles de Rais.
Avec une telle oeuvre, il est sûr de se détacher de la littérature contemporaine. Difficile en effet avec un sujet pareil de faire dans l'édulcoration ou le médiocre. Son souci n'est d'ailleurs pas de plaire aux foules, mais d'effectuer une recherche personnelle profonde et sérieuse. Une recherche qui va l'amener à s'intéresser au satanisme et à la démonologie, courants avec lesquels Gilles de Rais fit plus que flirter, puisque cet ex compagnon d'armes de Jeanne d'Arc en arriva à assassiner, violer et torturer des dizaines d'enfants lors de cérémonies occultes...
Pour tenter de comprendre comment cet homme raffiné, spirituel et érudit, en vint à commettre de tels actes, il va lui-même fréquenter les cercles sataniques.

Il est aisé de voir en Durtal le double de Joris-Karl Huysmans, lorsque l'on sait que l'auteur rompit avec le mouvement naturaliste dont il fit lui-même partie durant quinze ans. Son personnage principal est probablement le porte parole de ses propres doutes et réflexions non seulement sur l'évolution de sa création littéraire, mais aussi sur l'ensemble de ses questionnements spirituels et moraux. Lui qui se convertit à la fin de sa vie au catholicisme semble dans un premier temps, avec "Là-bas", prendre la mesure de l'ampleur de la présence du Mal autour de nous.
Les progrès sociaux (l'instauration de la démocratie) et scientifiques (Des Hermies, l'ami de Durtal, qui est médecin, est incapable de soigner les victimes de sortilèges sataniques) n'ayant visiblement apporté aucune solution pour lutter contre ce Mal, sans doute en conclut-il qu'il n'y a plus qu'à se tourner vers la religion...

Ce livre prenait la poussière dans ma bibliothèque depuis une bonne vingtaine d'années. Je crois l'avoir acheté à une époque où, éprise de poésie Baudelairienne, de littérature sombre et fantastique, j'avais été convaincue par une quatrième de couverture évoquant "un pittoresque et brillant roman de l'étrange". Et puis, je ne sais pas... effrayée peut-être par ses premières lignes, qui annoncent un récit ambitieux, complexe, je l'ai remis de coté. En réalité, j'en suis ravie, puisque cela m'a permis de découvrir aujourd'hui un ouvrage certes ambitieux, mais complètement abordable, avec lequel j'ai passé un excellent moment !


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